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Symbole BDSM

À propos de Révélation SM

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Révélation SM marque pour moi un double tournant : clou enfoncé dans un présent que je veux voir comme le futur de mon passé, rédigé sous l'influence bénéfique d'une aristochate qui, non contente d'illuminer ma vie, aura su tirer vers le haut ma manière de réfléchir aussi bien que mes techniques d'écriture.

Le texte est long. Certains chapitres paraissent s'éloigner du sujet principal (disons, le coming out SM), sauvés, me semble-t-il, par une certaine homogénéité dans la rédaction… Il faut dire que parvenir à assembler ces morceaux en apparence disparates était pour moi une nécessité dans la mesure où Révélation SM , texte particulièrement intime, se voulait un calme mais réel règlement de compte. Or, on ne tronque pas une addition sans en fausser le résultat.

J'ai dit calme … Depuis ma jeunesse, j'ai pu voir et ressentir mon évolution, les changements en moi, en bien et en mal, les constructions successives de ma pensée quant aux sujets développés dans Révélation SM . Mais jamais je n'aurais cru pouvoir un jour coucher ces réflexions sur le papier dans un état d'esprit aussi serein qu'en cet été 2005. Et mon Dieu… quel subtil délice, qu'honorer un engagement de règlement de compte alors que l'on sait la tourmente passée ; quelle liberté que de pouvoir écrire sans aigreur à l'estomac sur ce qui vous a remué les boyaux pendant des années… et quel luxe, que de pouvoir le faire en se tournant vraiment vers les autres, en s'efforçant d'ajouter de l' utile à la démarche.

Inséparable partenaire de cette sérénité, l'aristochate qui soutenait cette démarche d'écriture, y apportant conseils et encouragements… je me souviendrai longtemps, j'espère, de cet été où je m'installais à la petite table de jardin, portable connecté au réseau sans fil, pile de livres où je puisais quelques références, scarlett en arrière-plan honorant les fleurs de ses soins… qu'il est bon d'avoir l'air d'un gros con, couchant sur le papier un passé douloureux que l'on veut exorcisé, clamant haut et fort un glorieux « j'ai tout compris », en taisant la fin de la phrase, qui révèlerait la véritable découverte : « …il n'y a rien à comprendre ».

La vie est belle, quand elle est belle. Le Khayyam enfant, sans culture et sans le sou, considérant celui-là, plus vieux, affalé comme un petit bourgeois dans son bonheur en apparence si superficiel, lui aurait sûrement ri au nez… et se serait empressé de rejeter toute accusation de jalousie .
Quel message donner aux enfants, pour qu'ils croient à leurs rêves ? Si, à ce petit K, quelqu'un avait dit : «  tout va s'assembler. Continue à être toi, ouvre tes sentiments, ta réflexion ; ils croîtront sans cesse et le reste suivra. Tu auras des amis, un emploi, de l'argent, et même un jardin, où tu pourras écrire , et observer les insectes à loisir. Tu resteras toi-même, tout en t'enrichissant intérieurement de beautés que pour l'heure, tu ne peux pas même soupçonner  », il l'aurait peut-être cru. Mais il aurait sûrement paniqué devant l'ampleur de la tâche si l'on avait ajouté : «  tu aimeras, tu seras aimé, et l'amour, petit K, c'est bien plus que ce sentiment qui prend aux tripes et empêche de dormir. Tu connaîtras le sexe, aussi, et tu sauras qu'on ne se pénètre jamais tant qu'avec les yeux, que l'on jouit des regards qui ne se fuient pas, tu apprendras que les longs, les vrais préliminaires, ne se mesurent pas en heures mais en jours et en semaines.  »

Parfois, les contes de fées me semblent n'exister que pour donner bonne conscience aux adultes, qui croient donner du rêve aux plus jeunes quand ils ne leur offrent que le cauchemar… vois, mon enfant, la hauteur de cette montagne… vois comme le sommet en est beau, regarde comme d'autres parviennent habilement à en gravir les flancs…
Histoire de faire plaisir à l'adulte, l'enfant approuve… mais au fond de lui, il a toujours un petit truc ou un autre qui lui fait penser : «  moi je suis disqualifié de toute façon : je me ferai virer sitôt parvenu au pied de la montagne, et j'irai me trouver une petite colline dans les environs où on me fera pas chier.  »

Révélation SM n'est pas le conte de fées que j'adresserais à mes jeunes années, mais la simple négation que je leur ferais parvenir d'un petit truc qui m'éliminait d'emblée de la course à l'Everest, et que je nommais bondage .
Quelle différence, si j'avais reçu ce message à douze ans ? Nos faiblesses nous construisent tout autant que nos forces ; peut-être la suite m'eut-elle été moins profitable… mais ce qui est sûr, c'est que j'aurais infiniment moins souffert de ma déviance si je l'avais sue bénigne.

Il n'y a rien à comprendre , disais-je… Par quel incroyable concours de circonstances ces mêmes goûts déviants ont-ils pu me conduire dans ce jardin où, sous le soleil, j'écrivais des mémoires l'été dernier ? Qu'en penserai-je dans vingt ans – le Khayyam d'alors sourira-t-il de mes réflexions d'aujourd'hui ? Peut-être, au contraire, s'en trouvera-t-il agréablement surpris, comme j'aurais déjà pu l'être moi-même si seulement je m'étais fait le cadeau, à quinze ans, d'écrire pour mes trente-cinq ?
Il n'y a rien à comprendre. Mais on peut se faire plaisir à chercher tout de même, et à partager ses introspections : à défaut d'une explication, on offre au moins une invite à la réflexion.

C'est ainsi que parmi les courriers reçus depuis la mise en ligne de Révélation SM , beaucoup reflétaient les témoignages de personnes se reconnaissant dans le texte, tout en ayant des parcours parfois radicalement différents du mien. Ces courriers, qui m'allèrent droit au cœur, sont la gratification que je n'osais espérer – tout comme je n'aurais jamais pu, auparavant, imaginer le soutien qu'allait m'apporter mon aristochate dans l'assouvissement de ma passion pour l'écriture, lorsqu'elle me verrait diriger cette passion vers le BDSM… et voilà comment, par des chemins étranges auxquels il serait bien inutile de prêter la moindre logique, des plaisirs naissent là où l'on en cherchait d'autres.

L'autre aspect du double tournant que j'évoquais au début de cet article provient, justement, de cet appui inattendu offert par ma scarlett. À ma surprise je vis celle-ci, protagoniste récurrente de mes proses, quitter ces pages où je l'étendais pour venir s'asseoir à mes côtés, me lire – stabilo en main –, et me servir ses commentaires les plus directs, affûtés d'une absence de pitié que je ne bénirai jamais assez.
La première remarque qui me parvint ainsi ne nécessita ni lecture, ni surligneur, et elle fit mouche au premier coup : «  ah, tu écris comme ça, directement, sans te documenter au préalable sur ton sujet ?  »

…Une estocade de princesse. Quelques mots chantants, lâchés innocemment, qui vous clouent au mur et ne vous laissent que deux choix : rester fixé là pour la vie, ou entamer un travail de rattrapage qui vous prendra quelques années.
Victime de mon amour pour la princesse trop disciplinée (pêcher de soumise ?) – soucieux, surtout, de la séduire quel qu'en soit le prix – et victime tout autant de mon sale caractère, je choisi naturellement la seconde option ; l'étude.

À ma décharge, je dirai tout de même que je n'ai jamais eu pour habitude de négliger la documentation – bien au contraire. Mais habitué à écrire essentiellement de la fiction, une référence encyclopédique me suffit dans la plupart des cas pour vérifier où se trouve telle ville, comment fonctionne une déchetterie ou quelles sont les différentes couleurs des fleurs de l'acacia… tandis que , pour quitter l'imaginaire et parler (par exemple) de sexualité, c'est des dizaines d'ouvrages de psycho, socio, ethno, étho, bio et autres - logies , sans parler des thèses de psychanalyse, de la littérature érotique ou des manuels d'histoire qu'il faut se farcir avant d'aligner quelques mots.
Je me plie au jeu de bonne grâce. Je n'allonge plus deux lignes sans avoir lu cinq cents pages sur le sujet. Tout ça pour conserver le privilège d'administrer une bonne fessée à ma douce sans qu'une petite voix intérieure ne vienne me dire : tu n'es qu'un minable .
La folie humaine est un puits sans fin, dans lequel j'ai une certaine propension à plonger.

Le détail amusant, c'est qu'en lisant des gens comme Bourdieu (au hasard), on se rend compte qu'ils font la même chose, en pire : au bas de chaque page, on découvre deux ou trois renvois à d'autres ouvrages, qui donnent immédiatement envie d'être lus. On réalise, aussi, que le plaisir résolument personnel pris à ces lectures est tout simplement immense : très vite, on ne potasse plus pour trouver des références ou briller en société, mais uniquement pour prendre son pied. Et doucement, l'image du naïf que l'on croyait être vingt ans auparavant se redessine au présent…

Pour être honnête, malgré l'estime particulière que j'ai pour ce texte, il me faut tout de même ajouter un bémol à mon explication en précisant que la rédaction de Révélation SM n'a pas été si documentée que ça. Les textes qui l'ont suivi le furent bien davantage – d'où le tournant auquel je faisais allusion, et qui, résultat de la discipline à laquelle ma petite chatte soumise m'a appris à me plier, influencera positivement, j'en suis sûr, mon approche ultérieure de l'écriture romanesque… de par le plaisir grandi que j'y puiserai.

Elle me tire sans cesse vers le haut, mon aristochate, et le plus merveilleux, c'est qu'elle m'accuse souvent du même crime à son égard… Si je me permets une déclaration aussi prétentieuse, c'est que les conséquences positives sur ma manière d'être sont évidentes : je suis toujours heureux, et même plus. J'écoute les gens avec un intérêt qui n'est plus feint, au point de parfois les entendre. J'étale de moins en moins la science que je n'ai jamais eue. J'apprécie des choses de plus en plus simples. Ma capacité à savourer (autant dire : le plus précieux de mes sens ) semble se développer sans fin. Je me trouve de plus en plus idiot.

J'ai tout compris : il n'y a rien à comprendre.

Khayyam ,
le 23 janvier 2006

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