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Symbole BDSM

À propos de Le safeword, préservatif du BDSM

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Encore un texte ancien, que j'avais écrit pour Fallen , et qui a fait son chemin sur la toile depuis sa première publication en 2002… Encore un texte que je savais exister, et dont la présence sur mes pages me gênait.

3160 minutes de ré-écriture, cent neuvième révision, me dit Word… j'ai honte pour moi, mais je suis plutôt satisfait du résultat final. Bien entendu, à chaque relecture m'apparaissent des passages que je juge très moyennement rédigés, mais pas assez mauvais pour que subsiste en mon esprit un petit point d'exclamation, parmi dix mille autres, pour me faire regretter de n'avoir pas achevé ou suffisamment peaufiné ce document-là.

J'ai tant lu, tant entendu de théories sur le safeword depuis mes vingt ans… Quel intérêt, d'aller ajouter ma graine à cet édifice rouillé et brinquebalant que l'on nomme Le BDSM ? Les safewords, le subspace … des notions de base déjà vieilles : pourquoi perdre mon temps à écrire sur de tels sujets ? Et surtout, pourquoi le faire aujourd'hui, alors que les feux de la découverte « académique » du SM ne brûlent plus en moi ?

La présence sur mes pages de cet ancien texte, rédigé sous forme de « contrat » (tssss), me gênait, disais-je… il me fallait donc prendre une décision : le mettre à la trappe, l'assumer tel qu'il était, ou bien le remettre au goût de mes pensées du moment.
J'ai opté pour cette dernière solution. Du coup, ces pensées sur le sujet, il m'a fallu les éclaircir… mais loin de sortir un à un, les spaghettis de mes réflexions (que je croyais pourtant, en la matière, proprement suspendus, bien peignés et oubliés dans quelques buffets de ma boîte crânienne) tombaient par plats entiers, dégoulinant dans l'assiette de ma feuille blanche sous forme de gros nœuds qui faisaient splatch !

J'ai démêlé les nœuds. Je croyais y passer deux heures, pas cinquante-deux. Mais soyons honnêtes : j'en suis drôlement fier. Pour le travail de réflexion (plaisir tout personnel), pour le moment d'écriture (plaisir intime), et pour le résultat fini (qu'il est bon d' avoir écrit).
D'autant plus que recherchant après-coup sur le web ce qui a pu être étalé d'un peu réfléchi sur le sujet, je tombe sur un trou noir qui m'étonne et me frustre au plus haut point… incroyable. Anglais ou français, tout ce que je trouve sur le safeword, c'est une petite page de survol destinée chaque fois à meubler des sites traitant de la merveilleuse relation safe, sane and consensual , où l'on explique que faire rougir le cul de sa copine, c'est du power exchange (je m'inclus dans cette critique, et c'est bien là ce qui m'a fait soudain détester la version originale de mon texte, trop semblable à un anonyme petit meuble d'entrée placé là pour combler le vide).

La réflexion sur ces sites est parfois pertinente, mais rarement approfondie. Au mieux, elle fait hausser le sourcil, à l'instar de la fameuse guilde d' internal enslavement , qui fait clairement la différence entre un veto et un safeword… pour prôner l'utilisation de la psychologie (et autres méthodes modernes ) afin de réellement conditionner et esclavagiser la soumise dans sa tête sitôt qu'elle a dit oui .
Au pire, elle se résume à des dissertations sur le choix du mot qui sera utilisé, ou à des propagandes personnelles sur le thème du «  avec moi, c'est sans safeword : je suis le Maître, et point barre  » auquel on trouve opposé des non moins propagandistes : «  moi je suis un pro certifié ISO 9002 ; quand tu seras devenue mon esclave 24x7, tu auras un safeword, je respecterai toutes les règles de sécurité. Tu devras dormir enchaînée au pied du lit, et me vouvoyer en permanence. Remplis le formulaire ci-dessous et envoie ta candidature avec lettre de motivation à maitret24256@hotmail.com  ».

Bref. J'ai fait ma petite thèse sur le safeword, j'en suis content, et la rédaction m'a donné à réfléchir. Énormément. Du coup, j'ai proposé hier à mon aristochate de supprimer son droit de veto, un de ces quatre. Elle m'a dit d'aller me faire voir. Je réessaierai demain, en revoyant mon approche.

À propos d'aristochate, je vais tâcher d'anticiper sur la question qui brûlera certainement les lèvres de mes lecteurs : elle t'a déjà safewordé, scarlett ? Et toi, qui dis comme ça que les DomDoms peuvent avoir besoin de crier pouce ! , ça t' est déjà arrivé, à toi ?

Hm. En fait, ma douce aristochate n'ayant pas, jusqu'à présent, recherché son plaisir dans les suppliques et autres jeux d'imploration à la pitié, cette utilité particulière du safeword ne s'est jamais présentée à nous : si elle hurle, c'est signe que c'est pas bon du tout ; il n'y a pas de double message. C'est à lire au premier degré : si je continue, je peux faire une croix sur les tournedos Rossini pour trois mois.

De manière générale, bien que nous nous livrions assez souvent à des rôles de composition dans nos jeux, la plupart des messages stop ou encore passent suffisamment clairement entre nous pour que je me sente en phase avec les ressentis de ma tendre complice. Comme si, au-delà des personnages que nous incarnons et de ce que nos bouches prononcent, une conversation parallèle, non verbale mais parfaitement intelligible, était entretenue en permanence.
J'ajouterai à cela, de manière stupide mais parlante, qu'elle n'est pas très masochiste, et que je ne suis pas très sadique. Ou plutôt… qu'une bonne étoile semble, jusque-là, nous avoir préservés d'une certaine forme d'« escalade BDSM »…

Nous pouvons vivre des moments d'une intensité extrême, incroyable, par le biais de choses toutes simples qui feraient doucement sourire les esthètes du SM. D'autres tout aussi forts dans des jeux moins anodins en apparence, qu'il s'agisse de très stricte domination, de sexe débridé ou de techniques dangereuses comme le single tail ou le chanvre.
Dans un cas comme dans l'autre, ce qui nous protège le plus, je pense, c'est cette bulle – un peu mesquine – dans laquelle s'enferment ceux qui s'aiment, et qui, en leur faisant royalement (honteusement) ignorer le monde extérieur, les prémunit de toute tentation de parade dont le but serait d'épater une galerie dont ils n'ont de toute façon rien à foutre.
Enfin, au-delà de tous ces garde-fous aussi naturels qu'insuffisants… mon aristochate sait comme moi qu'elle peut à tout instant, d'un mot, par danger, désir ou veto, faire cesser immédiatement l'action. Ce mot, nous en sommes convenus depuis le début de notre relation, c'est safeword . Ma tendre princesse tente parfois, lorsque la mémoire lui fait défaut, de substituer à ce dernier l'expression «  enfoiré !  » (ou pire), que bien entendu je me fais un plaisir d'ignorer en souriant.

Habitué à cela, je me sentis vraiment pris de court le jour où la mémoire lui revint…
Nous discutions tranquillement d'une soirée mouvementée récemment passée entre gens de bonne société (c'est-à-dire, aussi mûrs que nous pour l'asile d'aliénés), lorsque mon aristochate me posa cette question insidieuse (on me pardonnera le pléonasme) : «  mais en fin de compte, les mains sur ma poitrine… c'était toi, ou pas ? Tu étais devant moi, c'est ça ? Il y avait qui, autour ? Et quand tu as dit de faire attention, tu parlais à qui ? Et pourquoi ? Et en vrai, le truc, c'était pas vrai ?  »
Et moi de tourner autour du pot, répondant dans le vague, cherchant à la faire marcher pour entretenir le mystère et tenter de lui faire imaginer les pires horreurs, histoire de lui préparer de petites peurs pour la prochaine fois… mon boulot de Maître, quoi. S.O.P. , comme on dit. Et là, paf : «  safeword !  »
…en milieu de journée, comme ça, assis à table. Devant mon café. En short. Loin – mais alors loin – de tout jeu BDSM.

Il m'a bien fallu cinq minutes pour comprendre qu'elle ne plaisantait pas et voulait savoir la vérité… à ce stade, elle me lançait déjà ce regard accusateur que l'on lance aux pires traîtres, façon : j'ai dit safeword , et voilà ta réaction à ce que pourtant tu préconises… tsss… lamentable…
Paniqué, je consacrai (en vain) cinq autres minutes à tenter de négocier pour qu'elle ne me fasse pas lâcher le morceau : et oui, faites ce que je dis, pas ce que je fais … moi, quand on me lance un safeword , je commence par tenter un argumentaire afin de convaincre la belle de revenir sur sa décision. C'est mon style. Je le sais bien, que je suis un dom nul, mais aussi, avec une aristochate (avec une soumise (avec une femme (pour nous les hommes))), c'est pas toujours facile…

C'est la seule fois, à ce jour, que ma douce a eu recours au mot magique. Quant à moi…

Nous étions à cette gigantesque soirée fétichiste, dans la banlieue d'Amsterdam. Et là, dans un recoin caché des locaux, au hasard de notre visite des lieux, nous somme tombés sur le baisodrome. Une marée de chair. Des corps enlacés, qui tapissaient le sol, emboîtés par toutes les voies imaginables, grouillant comme des asticots dans une boîte. L'air que nous respirions soudain saturé d'effluves étranges dont j'analysai malgré moi toutes les composantes chimiques.
Certains parlent d'appel du large, ou d'appel de la nature… désormais, je connais, moi, l'appel du ver de terre. J'ai vu, je le jure, une main géante s'approcher de moi, prête à me tirer dans la nasse, tandis qu'une voix envoûtante venue de nulle part me disait : «  viens grouiller avec nous.  »
J'ai regardé ma douce, espérant trouver en elle un soutien… elle était aussi troublée que moi, mais ne le montrait pas. Je me suis senti terriblement mal ; un malaise qui m'était inconnu, comme si le moindre pas en arrière allait m'extirper les entrailles. Nous attendions tous deux un signe de l'autre, une excuse, un petit rien pour nous décider à plonger.
Le prétexte ne vint pas. Il nous fallut un moment pour nous arracher à la scène, et ce n'est qu'à vingt mètres de là, enfin hors de portée du sortilège, que l'idée me vint pour la première fois : «  si cette scène se renouvelle et que je la sens aussi prête que moi à y aller, dans un râle je crierai safeword (pour la forcer, la supplier de m'aider), et je nous emporterai tous deux loin de là, vite . »

Khayyam,
le 18 janvier 2006


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