Fioriture Fioriture Fioriture
Symbole BDSM

Sourprises : notes sur Initiative SM


Au final, dix mois se seront écoulés entre le moment où j’ai commencé la rédaction de ce texte, et celui où j’aurai décidé d’y mettre un point final pour sa première publication.
Il en va des écrits, romans entiers ou simples articles, comme de tout ce que l’on peut créer : ce n’est jamais fini. On s’arrête parce que l’on en juge la production achevée, parce qu’on en a marre et qu’on veut passer à autre chose, parce que, parfois, on a des impératifs à respecter…

Initiative SM est un texte dont la rédaction a été motivée par des envies multiples, qui en ont dicté les grandes lignes…

Démystifier et dédramatiser le jeu SM, pour commencer, en abordant certains aspects plutôt humoristiques du dominant qui prépare ses petits coups de théâtre et suce un cachou en repassant sa chemise noire, ne me semble pas inutile car par-delà le folklore, on retrouve ce qui fait l’essence d’une relation : le cadeau, l’envie de plaire, les doutes que l’on doit surmonter. Il faut un certain cran pour oser l’investissement de temps et d’énergie que représente la composition d’un scénario BDSM. Il y a là bien des peurs à surmonter, car on s’apprête à exposer tout à la fois ses envies les plus intimes, et ce que l’on croit connaître des désirs de l’autre… quelle prise de risque. « Merci d’être un gros dur de dominator », « merci d’avoir une telle imagination et de si bien me soumettre à tes désirs », me semblent des phrases terriblement fades, qui louent les vertus d’un brouillard sans fondement, d’une apparence dans laquelle certains se fondent mieux que d’autres, et qu’importe à la fin ? Le seul remerciement qui vaille, à mon sens, s’appuie sur une réalité bien plus solide : « merci de surmonter tes peurs, tes doutes, merci d’oser ainsi t’exposer au ridicule et de me faire confiance, merci d’avoir pensé à moi tout le temps qu’on duré les préparatifs de ce jeu, et merci, enfin, de t’ouvrir à moi pour me faire partager tes désirs les plus secrets. »

Aborder les initiatives de ma compagne, et à travers celles-ci disserter de la passivité dans la soumission constitue, bien sûr, le thème principal d’Initiative SM. C’est aussi l’occasion, pour moi, de rendre hommage aux mille moments merveilleux qu’elle a su m’offrir depuis notre rencontre : puisqu’elle ne parle pas directement dans mes pages, que ses faits parlent pour elle – et tant pis si, de ma part, la narration de ces divins épisodes ressemble à un plaisir exhibitionniste : je le revendique fièrement, même si je me plie aux règles de la saine non-ostentation évoquées dans le texte. Et entre nous… je suis fier à en crever, d’avoir été l’objet de tant d’attentions (« et pourquoi, après tout, se priver des joies de la fierté, lorsque celle-ci naît du partage et non du mensonge ? »).

En dédramatisant la théâtralité des Maîtres BDSM, même si je n’ai probablement pas suffisamment développé cette partie dans Initiative SM (elle le sera dans le texte suivant), j’aimerais livrer ce message à tous ceux qui préparent un scénario compliqué pour leur compagne : osez. Allez-y. N’ayez pas peur de trop vous ouvrir ; on est tous dans le même bain. Faites les choses à fond, investissez-vous et n’ayez pas peur de vous exposer. Trop d’hommes sacrifient le plaisir de leur partenaire au profit de l’image inébranlable qu’ils veulent donner d’eux-mêmes ; ne soyez pas de ceux-là.

En couchant sur la toile mes réflexions sur les surprises de soumises – que j’ai été tenté d’affubler d’un néologiste sourprises, en guise de clin d’œil –, j’ai eu l’agréable sentiment d’aborder un sujet que je qualifierais d’un peu plus « avancé » en matière de BDSM. Public restreint, donc, puisqu’à priori il ne concerne vraiment que des couples se livrant à des jeux de domination et soumission, même si j’espère secrètement que mes réflexions puissent également prendre pied dans tout ce qui a trait aux rapports humains en général, et amoureux en particulier. De ceux-là, j’espère vivement recevoir les commentaires, et si mes élucubrations pouvaient servir de prétexte à l’instigation d’une heureuse sourprise, je serais le plus heureux des domdoms en l’apprenant.

Les interludes qui ponctuent le texte, enfin, me semblent à certains moments faire mine de s’éloigner du sujet principal. J’aurais pu les mettre de côté pour les publier ailleurs, mais ce choix ne me semblait pas judicieux : ces entractes sont, au final, parties intégrantes de la réflexion générale, et contribuent grandement, je pense, au décodage de celle-ci.

Il m’arrive parfois dans mes écrits de lancer de grandes vérités, en généralisant sur  ce qui n’est, dans le fond, que le produit de mon vécu ou de mes perceptions intimes. J’en ai conscience, et si besoin est, ma rédactrice en chef est là qui sait me le faire remarquer. Mais c’est elle aussi qui m’a fait découvrir Sur la télévision, de Bourdieu, et m’a ouvert les yeux sur un phénomène pourtant évident : à vouloir ratisser large, le discours devient totalement creux.
En ce sens, j’aurais pu aborder avec de plus fines pincettes des sujets comme la passivité d’Ève lorsqu’elle se fait draguer par Adam, ou peaufiner mes digressions apparemment machistes sur la féminilité jusqu’à les rendre tout à fait politiquement correctes, c'est-à-dire totalement insipides. J’aurais alors pu rejoindre le parti scrogneugneu cher à Guillebaud, qui s’étourdit de ses propres coups de gueule en enfonçant des portes ouvertes : la méthode fait ses preuves en permanence. Il suffit de ne pas dire un mot plus haut que l’autre, de faire sien le jugement d’un procès qui a déjà obtenu l’assentiment de la majorité, et le but recherché est obtenu : on passe pour un type bien. Sauf que pas une seconde, on n’a révélé sa pensée propre.

Tout le monde connait ce conseil essentiel : en amour, il faut être soi-même. Séduire en travestissant qui l’on est ne mène guère plus loin qu’à des aventures d’un soir. Or, lorsqu’on écrit pour être lu, on se pose souvent ces deux questions : cette phrase reflète-t-elle effectivement ma pensée ?, puis : ne va-t-elle pas choquer ? Et très vite, on modifie sa déclaration pour la rendre conforme à ce que l’on imagine être l’opinion de la majorité ; la doxa du regretté Bourdieu.
S’auto censurer pour plaire, c’est tellement simple… je détesterai m’entendre accuser de n’en avoir pas été capable. Sachez-le : si j’avais voulu, j’aurais pu rendre ce petit texte insipide au point que nul ne trouve à le critiquer. J’espère qu’il ne l’est pas, et que le lecteur y trouvera son plaisir, dans l’accord et le désaccord…

K--


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