Bondage : les liens entre complices dans l'alchimie
du plaisir
J'ai décidé d'écrire ceci parce qu'à plusieurs reprises le sujet du
bondage est venu dans les conversations et je veux m'expliquer une
bonne fois pour toutes en illustrant avec certaines des expériences
que j'ai vécues.
Que j'explique d'abord certaines choses. Je n'ai jamais infligé ne
serait-ce qu'un bisou à une femme sans son consentement. A tout moment,
les femmes avec qui j'ai pratiqué le bondage ou d'autres choses dont
je parlerai dans ce texte ont su qu'il suffisait d'un mot de leur part
pour que je les détache et les prenne dans mes bras avec la tendresse
qui était à l'origine de toute chose que nous pouvions faire ensemble.
Oui, faire ensemble. Car l'abandon à moi que représente le fait de
se laisser attacher est une manifestation de confiance qui m'oblige
de mon côté à être d'un respect et d'une tendresse redoublés. Ce n'est
qu'un moyen d'apporter une excitation supplémentaire voire complémentaire.
L'important est et reste d'aimer être ensemble, faire l'amour ensemble,
partager ces plaisirs exquis.
Quand on recherche le terme bondage (d'origine anglaise) dans le dictionnaire
Larousse, il parle d'asservissement sexuel. NON! C'est une chose qu'on
partage et non pas une chose imposée à l'un par l'autre. Certains n'utilisent
le terme bondage que pour le fait d'envelopper un corps de cordes.
Pour moi, cela englobe aussi le fait d'attacher quelqu'un par les poignets
et/ou les chevilles pour lui faire l'amour.
Le Webster anglais-anglais en ligne s'en approche davantage avec ses
définitions plus larges : Bondage \Bond"age\,
n. [LL. bondagium. See {Bond}, a.] 1. The state of being bound; condition of being under restraint; restraint of personal liberty by compulsion; involuntary servitude; slavery; captivity.. "being bound, being under restraint" : en effet
: être attaché, être sous restriction.
Le Van Dale anglais-néerlandais est le plus proche de ce que j'entends
par le bondage, car il le traduit par "forme de rapport sexuel
où le partenaire est attaché". Complet et neutre, me semble-t-il.
Le Van Dale néerlandais-néerlandais s'en écarte en le définissant comme "rapport sado-masochiste
avec un partenaire attaché".
Dans le bondage "pur", le partenaire attaché n'a pas forcément
cette envie ou ce besoin de souffrir pour jouir qui est le propre du
masochiste et l'autre ne trouve pas son plaisir dans le fait de l'infliger,
comme il est inhérent dans le sadisme. La limite est diffuse, comme
nous le verrons plus loin, mais elle existe ; il appartient à chaque
personne de la tirer là où elle le veut et à ses partenaires de la
respecter!!!
La première fois que j'ai attaché une partenaire, c'était à sa demande.
Je n'aurais pas osé, à l'époque, le lui proposer. Elle m'a expliqué qu'elle
le voulait pour me sentir en position de force vis à vis d'elle, tout
comme elle m'avait déjà expliqué plus tôt que faire l'amour dans la
position classique, sur le dos, était pour elle une façon de se laisser
prendre. Cette première fois c'était avec les moyens du bord : une
ceinture qui se trouvait sous la main et avec laquelle j'ai attaché ses
mains à la tête du lit. Intrigué, je lui ai demandé si elle voulait
que je la fesse aussi. Elle m'a dit qu'elle voulait bien essayer et
nous avons utilisé une seconde ceinture pour ça. Cela s'est répété (bien
que nous ayons assez rapidement abandonné les fessées, qui ne rentraient
pas bien dans notre entente), et je lui ai fait des bracelets avec
des anneaux pour faciliter les changements de position. Elle n'a pas
aimé cet aspect de préméditation, elle aurait voulu que cela reste
de l'improvisation. Pour moi c'était une façon de mieux assouvir son
souhait de se livrer à moi et d'en améliorer les conditions, puisque
les bracelets étaient plus confortables qu'une ceinture ou une corde.
En tous cas, nous sommes allés plus loin dans la matière. J'en ai fait
aussi pour les chevilles afin de l'immobiliser complètement, attachée
aux quatre coins du lit.
Ensuite, j'ai eu l'idée de mettre des crochets dans l'encadrement
de la porte pour l'attacher debout, bras levés joints ou écartés. J'ai
pris goût au fait de la mettre et maintenir ainsi dans des positions
dans lesquelles son corps ressortait particulièrement bien. Les bras
levés joints font si joliment jaillir les seins, par exemple, et nul
besoin d'en dire plus sur le paysage ravissant du dos, des fesses et
des jambes d'une femme penchée et attachée par-dessus le dossier d'une
chaise.
Le fait de se laisser attacher représente-t-il une soumission? Pas
forcément. Certaines femmes le ressentent comme cela, d'autres non.
Certaines cherchent la soumission, d'autres la récusent. De mon côté,
il n'y a jamais eu notion de soumettre, car il est toujours entendu
qu'au moindre mot de sa part je la détache si elle le souhaite. Je
ne cherche pas à soumettre quiconque, je ne cherche qu'à vivre du plaisir
mutuel et réciproque. En effet, les femmes avec qui j'ai pratiqué le
bondage sont bien moins nombreuses que celles avec je ne l'ai pas fait.
Mais même si pour moi il n'y pas soumission, cela ne les empêche pas
de le ressentir comme tel de leur côté.
Ce n'est que trois ans plus tard que j'ai proposé moi-même ces pratiques à une
autre femme. Elle en avait déjà une expérience et était émouvante dans
son abandon. C'est elle qui m'a fait pleinement comprendre que c'est
cela : elle s'abandonnait à moi, à la confiance, mais aussi ou même
surtout à son plaisir. Tout cela mérite explication.
Quand une femme me permet ou me demande de l'attacher, cela veut dire
qu'elle a confiance en moi, au fait que je n'en abuserai pas en lui
infligeant un quelconque acte dont elle ne veut pas. Toutefois, il
y a toujours un "bord tranchant" et certaines recherchent
peut-être justement le soupçon de peur contre lequel leur plaisir monte
en contraste (en effet, une d'elles m'a dit, une fois attachée, qu'elle
avait un peu peur mais surtout de ne pas la détacher). En tous cas,
elle abandonne toute possibilité d'intervenir, est donc entièrement
livrée au plaisir que mes caresses lui procurent et le vit ainsi avec
une intensité toute particulière. En faisant l'amour avec cette seconde
femme, bien souvent, après les caresses ainsi promulguées, je la détachais
pour nous fondre l'un dans l'autre avec sa participation active. A
d'autres moments, cela peut être l'inverse : se caresser réciproquement
et ensuite lui attacher les mains pour la prendre. Ou bien encore,
les liens restent en place tout le long de nos ébats.
J'utilise là un terme a souvent posé problème. "Prendre" une
femme n'a rien de péjoratif ni de réducteur. Quand une femme vient
sur moi, c'est elle qui me prend en elle. Dans la position "classique",
c'est elle qui m'accueille. Allongés sur le côté avec son dos contre
mon ventre et mes bras autour d'elle, ou encore en levrette, c'est
bien la prendre, mais cela le devient aussi dans la position "classique" quand
je lui tiens les mains ou les poignets. Quand je l'attache, il y a
toujours une notion de prendre. Mais on ne prend que ce qui est donné,
et en même temps on donne ce qui est désiré. Prendre une femme, c'est
la caresse ultime, c'est caresser par l'intérieur comme par l'extérieur.
Ou de préférence les deux en même temps, d'ailleurs.
C'est cette deuxième complice dans le bondage aussi qui m'a demandé de
lui bander les yeux afin d'être privée des sens habituels et de privilégier
ainsi celui du toucher. Par la suite, avec d'autres, nous sommes allé jusqu'à boucher
les oreilles aussi et une d'entre elles m'a même demandé de la bâillonner.
Elles vivent ainsi des instants dans un monde à part, où il n'existe
que leur plaisir. Avec ces deux premières femmes, nous avons eu recours à la
photo, pour qu'elles voient comment je les voyais moi. J'ai rarement
rencontré de femme qui soit satisfaite de son corps, et surtout de
ses seins. La prendre en photo me permet de lui montrer comment je
la vois, avec quelle tendresse, quelle appréciation, quelle émotion.
Elle se voit à travers mes yeux par caméra interposée.
Avec ces deux premières, j'ai toujours demandé, à chaque fois que
j'en ressentais l'envie (ce qui n'est pas chaque fois que j'ai fait
l'amour ni avec elles ni avec d'autres femmes, loin s'en faut), si
elles voulaient bien que je les attache ou si elles préféraient s'en
passer cette fois-ci. Car, je le répète, le plus important est d'être
ensemble, de partager le plaisir. Mon plaisir passe par celui que je
parviens à donner à l'autre, et quand cela est réciproque le fait d'être
ligotée peut devenir un obstacle. Par contre, cette frustration de
ne pas pouvoir rendre les caresses reçues redouble souvent leur ardeur
une fois qu'elles ont à nouveau les mains libres.
Par la suite, les expériences se sont étendues et développées, notamment
parce que certaines femmes étaient bien plus demandeuses et m'on entraîné dans
d'autres expériences. Je quitte le mode chronologique pour brasser
les choses vécues.
Certaines femmes, une fois le goût pris, n'attendaient pas que je
le leur propose ou demande : une d'entre elles me tendait les mains
lorsqu'elle souhaitait que je l'attache. Elle m'a fait aller plus loin
aussi : elle voulait des coups de baguette sur ses fesses. Nous avons
découvert ensemble que ce n'est pas forcément en se faisant frapper
qu'elle prenait du plaisir, mais qu'étant caressée avec la baguette
le plaisir promulgué prenait une dimension supplémentaire : c'était
un instrument qui pouvait infliger la douleur qu'elle avait en effet
sentie, mais qui était utilisé pour lui caresser les bouts des seins,
le dos, les fesses, le ventre. Le potentiel de violence, de douleur
est là, mais il ne sert qu'à augmenter l'excitation par le fait même
de sa non-réalisation. C'est amener plus loin l'excitation par l'appréhension
ressentie en étant attachée, que j'ai évoquée ci-dessus.
Quand elle m'a demandé cela, je l'ai amenée dans les bois pour aller
couper écorcer et lisser ensemble plusieurs baguettes de noisetier
et de châtaignier de différentes grosseurs et souplesses. La première
fois que j'ai accepté de la frapper, j'ai refusé de l'attacher, car
je voulais qu'elle le vive en entière liberté, libre de me dire d'y
aller plus ou moins fort comme de s'y soustraire.
J'ai également tressé un martinet de huit lacets en cuir, qui s'est
avéré être un instrument de caresse remarquable, car on peut laisser
traîner les lacets sur le corps dans toutes les directions pour générer
des caresses d'une légèreté remarquable. Là aussi, il existe ce soupçon
de violence qui crée une excitation par le fait même de sa non-réalisation.
Chez elle, il y avait indéniablement une notion de soumission. Dans
la vie quotidienne, elle était décidément dominante. Cela la soulageait-elle
de s'abandonner, même de se soumettre dans sa vie sexuelle, de se libérer
du besoin de prendre des décisions? Nous n'en avons jamais parlé.
L'utilisation de bracelets et de points d'attache prévus sur le lit
entraîne un élément de préméditation, comme ma première complice dans
ce domaine m'avait reproché. Ce n'était pas le cas de nombreuses autres
occasions. En bivouaquant au bord d'un ruisseau, j'ai détaché mon hamac
pour me servir de sa corde pour attacher les mains de ma compagne dans
le dos, et je passe d'autres improvisations d'inspiration sur-le-champ
avec une ceinture de robe de chambre ou d'autres encore. Toujours est-il
que ce sont le goût pris et l'expérience acquise qui font que l'on
y pense et que l'on voit les possibilités!
Cela me rappelle aussi une femme avec qui rien de tout cela ne s'est
jamais produit. Par contre, elle aimait que je lui tienne les poignets
en lui faisant l'amour : déjà une restriction, un bondage ; sauf qu'avec
une corde autour de ses poignets, mes mains auraient été libres pour
caresser. Quand je lui ai parlé d'un endroit précis avec un gros chêne
au pied duquel j'avais envie de lui faire l'amour, elle m'a demandé : "Et
pourquoi pas contre l'arbre, mes seins dans l'écorce, mes bras autour
du tronc, l'arbre dans mes bras, toi dans moi?" Ben oui, il suffisait
d'y penser. Moi j'avais surtout pensé à l'herbe tendre au pied du chêne, à ce
contact frais qui rehausse les sensations chaudes.
Certaines femmes ont été réticentes au début, mais celles qui ne le
rejetaient pas complètement et l'ont essayé ont toutes fini par apprécier
le bondage. Une d'entre elles est revenue elle-même sur le sujet pour
me le réclamer quelque temps après l'avoir rejeté en première instance.
Attachée dans un fauteuil, dans le lit, dans l'encadrement de la porte,
debout, couchée, assise, à genoux, nous en avons essayé un rayon. C'est
avec elle que j'ai pour la première fois pratiqué le déshabillage par
déchirure et découpage progressifs des vêtements. Elle était très émouvante
dans son excitation. Parfois dominante dans la vie quotidienne, l'abandon
dans l'amour, dans le plaisir à travers le bondage devait être pour
elle aussi une libération, je pense. Mais pour elle, par contre, il
n'a clairement jamais été question de se soumettre, c'était un frisson
partagé.
Pendant une semaine torride avec une femme le bondage a commencé dès
notre première nuit ensemble. Elle l'avait déjà vécu, avait même eu
des expériences SM. Elle m'a demandé à un moment donné de la fesser
au martinet. Mais au moment de le voir dans ma main elle m'a dit avoir
peur, qu'elle n'en voulait pas. Je l'ai détachée du pied de son lit
sur lequel elle était penchée, je l'ai portée dans la salle de bain
pour la laver tendrement de ses émotions, lui ai fait un massage complet
et ensuite l'amour tout doucement jusqu'à ce qu'elle s'endorme dans
mes bras.
Outre les baguettes et le martinet, la fessée à main nue est passée à la
revue aussi. Frapper légèrement, ou peut-être, à la demande, plus fort
pour faire chauffer et légèrement rougir les fesses avant de passer
aux caresses, cela procurait tangiblement un plaisir particulièrement
aigu. Mais encore une fois, coucher une femme par-dessus mes genoux,
dans cette position de la fessée, pour plutôt la caresser, cela infère
cette excitation du manque de violence dans une position qui pourtant
l'évoque.
J'ai eu une expérience assez révélatrice de la libération au plaisir à travers
le bondage avec une femme qui, au début, refusait les caresses orales
par pudeur. Une des premières fois que je lui ai attaché les mains
et qu'elle ne pouvait pas repousser ma tête, je m'y suis mis, elle
s'est laissée faire (elle aurait parfaitement pu me dire d'arrêter),
m'a dit après, avec délectation, que je l'avais bien eue. Par la suite
elle m'en réclamait. Avec elle, c'était les caresses d'abord et puis
souvent la réclamation de lui attacher les mains à la tête du lit au
moment de me fondre en elle, ou de le faire quand j'y étais déjà. Nous
ne sommes jamais allés plus loin que cela ensemble.
Mes expériences les plus complètes ont été avec une femme qui, lors
de notre première nuit, a été terriblement excitée quand après l'avoir
déshabillée, je lui ai demandé la permission de l'attacher debout dans
l'encadrement de la porte pour la regarder et la caresser de tous les
côtés. Ces expériences se sont vite développées. Lors d'une promenade,
elle m'a demandé de couper un rameau pour ses fesses et un bâton plus
gros pour la pénétrer. Exécution sur le champ. C'est la première et
la seule à qui j'ai, après en avoir parlé ensemble, marqué des fesses
avec la baguette. Dans tous les autres cas, la baguette, le martinet
et la main n'ont servi qu'à rendre la peau plus sensible, comme on
le fait avec les rameaux de bouleau dans le sauna traditionnel.
Bien qu'étant intrigué et excité au début et fasciné par ces marques,
j'ai ensuite réduit les coups, car le fait de faire mal me gênait.
Elle aussi, après cette volonté de soumission à la douleur, est revenue
vers l'abandon à la caresse. Quand je la fouettais, elle voulait d'ailleurs
toujours que je reste derrière elle ou, quand je tournais autour d'elle
pour multiplier les angles et endroits de toucher, que je lui bande
les yeux, car elle me disait que la tendresse dans mon regard n'était
pas en phase avec le fait de fouetter. Je l'ai attachée dans plus de
postures que quiconque avant ni après et pratiqué avec elle des choses
que jamais je n'ai pratiquées avec d'autres. J'éviterai de les énumérer
pour ne pas faire impression de catalogue...
Voici le récit assez complet de mes expériences du bondage et des
pratiques associées. Je sais qu'il me reste beaucoup à apprendre, à découvrir
et à développer et, bien entendu, j'ai quelques idées en tête... Si
jamais je les réalise, cela se passera comme jusqu'à présent : avec
non seulement le consentement mais surtout avec la complicité de ma
ou mes partenaire(s), pour notre plaisir mutuel et réciproque, dans
un esprit de tendresse. Même si dans certains cas il peut y avoir domination
et soumission, les liens qui ligotent un des deux complices doivent,
pour moi, être des liens entre nous et non pas un asservissement de
l'un à l'autre.
Nos corps et nos esprits sont comme des éléments dans le bain alchimique
de nos désirs et, de nos appréhensions, de notre respect et de notre
tendresse. Dans la "soupe primévale", les premières cellules étaient
formées sous l'impact des éclairs. Dans notre mélange, c'est l'étincelle
du bondage qui relie les éléments en faisant naître un complexe synergétique.
PS :
Depuis que j'ai écrit ce texte, j'ai fait d'autres expériences, dont certaines
plus poussées. cependant, je tiens à maintenir cette réflexion dans son état
d'origine.
Male-Alpha
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