Fioriture Fioriture Fioriture
Symbole BDSM

jouissance n. f.

• 1466 sens 2; de jouir 

1. (1503)  Plaisir que l'on goûte pleinement. => 1. plaisir; délice, satisfaction. Les jouissances de l'âme, de l'esprit. => délectation, joie. Jouissance des sens, de la chair. => bien-être, volupté. « Aucune jouissance ne peut se comparer à celle de la vanité triomphante » (Balzac). — Épuiser toutes les jouissances de la vie. => délice, douceur. Dans l'absolu Plaisir sexuel. Parvenir à la jouissance. => orgasme.

Ce document, rédigé en 2002, a été mis à jour en 2006.
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Subspace, la jouissance de la soumise ?

Catherine hésita un instant, un tout petit moment au-delà des mots et du temps, puis elle obtempéra. Ce genre d'hésitations, parce qu'incontrôlées, c'était le plaisir de son maître. Dans ces moments, Cat ne pensait pas - ou elle pensait trop, trop occupée par ses luttes intérieures pour pouvoir exprimer sciemment ses sentiments. Alors, son corps communiquait pour elle. Une fraction de secondes pour ouvrir la bouche, et ne rien dire. Une autre pour baisser le regard, le laisser fuir ailleurs, tandis qu'une épaule nue s'avançait d'une centimètre, se relevait en un geste de crainte contenue. C'était assez pour qu'il sache, sans qu'il pût comprendre lui-même d'où lui venait le message. Au-delà des mots, Catherine venait de lui dire: "je t'appartiens. Quoi que tu exiges en cette seconde, mon corps le fera sans-même que je puisse y réfléchir". Il le savait. Elle le savait, et cette réalisation elle-même, soudaine, plongea alors Catherine dans un état d'humilité profonde. Puis, comme les veines du bois qui viennent se contracter sur le clou pour le fixer en place, l'esprit de Catherine lui souffla cette pensée terrifiante: "lui aussi, il sait."

"À genoux", avait-il dit. C'était un ordre simple, mais auquel Catherine se refusait, et s'était toujours refusée. Alors, il s'était emparé de ses poignets. Elle s'était laissée faire, tandis qu'il nouait soigneusement les liens dans son dos - elle aimait cela. Puis il l'avait fessée, de ses mains nues, larges. C'était érotique, Catherine aimait cela, aussi. Puis doucement, la douleur vint remplacer le sentiment de caresses... l'humiliation, ensuite. Les dents serrées, Cat avait alors tenté un geste de protection, lorsque la douleur avait commencé à se faire trop forte, mais ces mêmes liens qu'elle aimait pourtant venaient de la trahir, en lui interdisant tout mouvement. Seuls ses doigts, loin, bien trop loin, avaient pu esquisser un geste pathétique de défense, tandis que les coups tombaient. Puis elle l'avait dit: "pitié". "Pardon".

"À genoux", avait-il répété ensuite, après l'avoir délivrée, après avoir plongé son regard dans le sien. Une fraction de secondes. Comme souvent, Catherine s'était dit d'abord: "'j'obéis si j'en ai envie". Puis là, les choses s'étaient précipités dans son esprit. La brûlure, la sensation de chaleur dans ses fesses. "vite". Le regard qui se baisse de lui même, "éviter ses yeux". La menace tacite. "si je refuse, je serai de nouveau punie. Et alors ?". La douleur, excitante mais bien présente. "...et alors, j'implorerai de nouveau merci, je m'humilierai encore davantage". La réflexion, absurde, sous influence. "pourquoi ne pas m'agenouiller, après tout ? Je lui résisterai, ainsi, en ne lui donnant pas d'autre occasion de me faire implorer pitié." Les pensées qui s'étaient bousculées dans son esprit - vite, il fallait faire vite - puis la conclusion, aussi simple que décidée par un autre.

Catherine avait hésité un instant, un tout petit moment au-delà des mots et du temps, puis elle avait obtempéré. Et sans même le savoir, tous deux avaient joui, durant cette fraction de secondes.

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Subspace... le terme est allégorique, qui décrit ce moment où la soumise se sent plus dévouée et obéissante que jamais comme un véritable monde parallèle, un espace-temps où les réalités sont altérées, une dimension où les pensées sont biaisés, où l'obéissance règne, où seuls comptent les mots et actes du dominant. Mais si tant de soumises ont reconnu leurs propres sensations dans ce terme au demeurant pompeux, ce n'est certainement pas par hasard: comment définir la jouissance, particulièrement lorsqu'elle est si personnelle, si cérébrale, si difficile à communiquer ?

Le mot ne figure pas dans le dictionnaire, pas sous ce sens. Mais dans tous les corps de métiers, toutes les sciences, tous les arts et toutes les matières, la richesse du vocabulaire permet d'écourter et donc d'élever le débat. Si demain une soumise décide de parler d'un de ces moments précieux, elle pourra le faire comme je le fais dans le texte ci-dessus, dans le détail. Mais si c'est d'autres passages qu'elle désire parler, elle pourra planter simplement le décor en disant: "j'étais alors en plein subspace, je n'y pensais pas".

Le mot est froid, pour refléter de si chauds sentiments, et d'aucuns argumenteront sans fin sur le fait que son interprétation en est toujours personnelle, variable selon les individus... je ne souscris pas à cette idée. Il n'y a pas de mot pour définir cet état dans lequel on se sent plongés, lorsque l'on fait l'amour et que les deux corps se retrouvent en communion, les deux esprits immergés entièrement dans l'acte lui-même, ce moment où plus rien ne compte sinon les sensations que l'on éprouve et partage, cette longue jouissance, source de tous nos désirs, bien plus précieuse que l'orgasme lui-même... Dans un esprit aux goûts sexuels déviés, où la soumission peut remplacer l'acte d'amour, ce moment a un nom, on l'a baptisé subspace. Et comme les jeux du bondage ne ressemblent pas toujours aux jeux du sexe, il est bien des façons d'atteindre ou d'effleurer ce sentiment magique et effrayant, s'y retrouver intégralement plongée ou venir le taquiner, s'y brûler un petit peu les ailes pour s'en éloigner et y revenir...

Une soumise qui n'a encore jamais été dominée pourra ressentir la piquante chaleur du subspace sur sa peau en s'entendant simplement édicter des consignes pour la première fois. Une soumise expérimentée aux instincts masochistes pourra ne commencer à l'entrevoir qu'au trentième coup de fouet sur sa peau, alors qu'elle sera fermement attachée, écartelée. Ensuite, pour l'une et pour l'autre, il pourra y avoir des variations d'intensités; celle-ci parlera de subspace sitôt qu'elle sentira ses pensées y glisser, celle-là sacralisera le terme et ne l'emploiera que pour parler de ces moments où elle s'y est sentie intégralement plongée. Mais toutes deux parleront en fait de la même chose. Le subspace, ce n'est pas l'orgasme, mais la jouissance de la soumise; ce moment où les pensées commencent à basculer, s'altérer, où la soumission semble devenir la seule voie possible, où quoi que l'on puisse dire ou faire, c'est sur le chemin de l'autre qu'on le fait. Être en n'importe quel endroit de ce chemin, c'est être dans le subspace.

Y être allé une fois signifie vouloir y retourner. La route qui y mène n'est pas simple, mais, comme en hypnose, on en retrouve plus facilement la voie après quelques visites. Ensuite... on souhaite y rester le plus longtemps possible, avancer sur le chemin, et là, c'est au dominant de veiller à protéger la soumise d'elle même, l'empêcher d'avancer trop vite, tempérer son approche pour faire en sorte que lui et elle ne manquent rien du paysage sur cette route qui peut être aussi magnifique que destructrice.

En BDSM, on parle couramment d'échange de pouvoir, d'accord consensuel de perte de liberté pour la soumise. Passer le pouvoir, laisser toutes les décisions à l'autre, demeurer soi-même tout en se sentant à la permanente merci du dominant, ne plus rien oser faire qui lui déplaise, sentir tout le poids de sa propre impuissance, c'est ce que recherchent beaucoup de soumises, sinon toutes. Au moins en fantasmes. Mais dans ce type de relations, le rêve peut devenir réalité au moment où l'on s'y attend le moins... un ordre qui semble tomber au hasard; précisément celui qu'on n'aurait pas voulu entendre, peut-être au mauvais endroit, au mauvais moment... que faire alors ?

Mille choses peuvent passer en tête, lorsqu'on reçoit un ordre. La plupart du temps, si l'on n'est pas déjà en plein subspace, on commence par le juger. "fermer mes yeux ? Tout de suite ? Ici, dans ce wagon de métro ? Il ne se rend pas compte. Les gens vont me regarder, ils vont penser que je suis folle... et puis, si quelqu'un monte, que je connais... et si..."
Que l'ordre soit répété, fermement confirmé, qu'un simple regard du dominant passe pour dire: "j'y tiens. Tout de suite", et la soumise, en fermant ses yeux, ne pourra trouver qu'une réponse, une seule, à toutes ses questions - celle-là même qui scellera sur l'instant le passage de pouvoir, et sa descente en subspace: "Il l'aura voulu... Je lui fais confiance... il me protégera. Je ne suis pas seule."

Mille choses peuvent passer en tête, lorsqu'on vient de se faire punir, fouetter, fesser... La punition, c'est un peu le "j'y tiens" du dominant ci-dessus, la preuve que oui, il désire voir sa soumise vraiment obéissante. Pour celle-ci, ce peut-être un passe-droit, une sorte de mandat que lui donne son maître; "les choses que tu vas faire, c'est moi qui te les fais faire. Ce n'est pas toi - ne te juge pas, n'analyse pas, obéis, simplement". La punition, c'est aussi, immanquablement, une motivation de plus pour obéir, une référence qui va aider la soumise à rapidement trouver réponses à ses questions intérieures, des réponses totalement biaisées, dans un jeu aux règles absolument injustes, qui vont ainsi la conduire à ne plus pouvoir penser objectivement, et ne lui laisseront d'autre choix que l'obéissance. Ce moment où elle va peut-être en venir à oublier que le jeu est consensuel, que son partenaire l'aime, que c'est de son plein gré qu'elle lui a conféré un tel pouvoir sur son corps et son âme, cet instant où, oubliant tout cela, elle va se mettre à le craindre et où elle sera prête à tout pour le satisfaire et éviter une nouvelle punition scellera son entrée immédiate dans le subspace, pour un moment qui durera peut-être aussi longtemps que la séance elle-même.

Mille choses passent en tête, lorsqu'on est attachée. L'une d'elle est: "puis-je me détacher seule ?" Si la réponse est non, alors le passage de pouvoir a eu lieu. Le passage de pouvoirs... pas l'entrée en subspace. Tant que les pensées sont claires, tant que l'on ne ressent pas tout le poids de cet échange qui vient d'avoir lieu, on peut attendre calmement, attachée mais sereine. On se dit: "si je lui demande de me libérer, il le fera."
Puis le temps passe, et les pensées changent... "si je lui demande de me libérer, le fera-t-il ?", et ce genre de questions en amène d'autres, en cascade, et une douce panique intérieure peut s'installer, où la soumise se surprend à répondre elle-même à ses propres questions, où elle va décider de ne pas demander, de peur d'entendre un refus qui ne lui confirmera que trop son impuissance, et à quel point elle repose désormais sur des décisions qui ne sont pas siennes. Là, dans cette lutte intérieure, tout peut arriver... "dans cette position, ma circulation sanguine va sûrement finir par se couper, il devra bientôt me libérer de toute façon"... que les noeuds soient bien faits, que la circulation du sang reste fluide, et c'est cette simple pensée, dix minutes plus tard, "la circulation ne se coupe pas... aucun prétexte à me faire libérer..." qui va trahir la soumise et la conduire tout droit en subspace, sans que le dominant n'ait eu à piper mot: l'impuissance face à des liens trop fermes mais trop horriblement confortables.

Une chose passe en tête, une seule, lorsqu'on est attachée et que le dominant décide de vous chatouiller: s'en sortir, par tous les moyens possibles. C'est un jeu très, très dangereux - physiquement pour la soumise, qui sur l'instant sera prête à s'arracher le bras pour se libérer, et moralement pour le couple, car les insultes et menaces risquent de pleuvoir. C'est peut-être une des manières les plus cruelles et les plus sûres de faire atteindre le subspace à une soumise, qui illustre parfaitement l'ambiguïté de cette dimension parrallèle étrange où l'obéissance règne. Le subspace n'est pas atteint durant les chatouilles, il l'est ensuite. Si aucun safeword n'a été prononcé, si le dominant a su résister aux insultes et menaces, si la soumise est toujours aussi attachée, plus que jamais consciente de son impuissance et du pouvoir que détient sur elle le dominant, alors... en cet étrange moment, celle-ci se sentira plus que jamais prête à tout pour éviter que le supplice ne recommence.

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Quoi que l'on puisse en dire, le subspace est une zone dangereuse, qui peut malheureusement être atteinte par une soumise dans les mains d'un dominant qui ne la connait pas... le fait est, la domination aveugle plus encore que l'amour. L'un des ingrédients majeurs à la réussite d'une relation, c'est la confiance. La connaissance de l'autre s'acquiert avec le temps, et ne pourra jamais être telle qu'une soumise puisse entièrement et aveuglément s'abandonner à son partenaire, sinon en se détruisant elle-même.

L'un des ingrédients majeurs à la composition d'un bon maître, c'est la capacité de garder la tête froide. On ressent bien l'entrée en subspace de la soumise, de l'autre côté de la cravache. Ce n'est surtout pas un crédit pour faire n'importe quoi. Cet instant, c'est le cadeau de la soumise à son dominant, mais c'est également le moment où celle-ci a le plus besoin de soutien, de guidance, en même temps que de fermeté. Il est parfois difficile pour un dominant d'accepter le fait qu'en plein subspace, sa soumise est bien. Si celle-ci se met alors à se comporter comme un pantin qui ne sait qu'obéir, alors c'est qu'elle a, elle, encore beaucoup à apprendre sur la soumission. Si par certains signes elle montre son désir maladroit d'aller plus en avant sur la voie de la soumission, c'est au dominant de la retenir et de tempérer les ardeurs de la soumise, qui ne comprend peut-être pas elle-même ce qui lui arrive. Ces instants sont des jouissances, à savourer comme il se doit par les deux parties.

À défaut de briser la personne elle-même, le dominant qui oublierait ses responsabilités pourrait très bien détruire la soumise, s'il ne sait pas la protéger d'elle-même. Combien de dominants ont voulu trop en faire pour montrer leur talent, ou ont simplement trop écouté les envies de leur soumise en oubliant leur rôle de protecteur, combien de soumises se sont retrouvées face au constat qu'elles en avaient beaucoup trop fait, trop vite, et qu'elle devraient reprendre la route du début, en pensant, cette fois, à regarder le paysage sur leur passage et à en savourer enfin les détails ?

Le subspace n'est pas le point G de la soumise, le but à atteindre à tout prix. La confiance, l'écoute, la discussion et la connaissance de l'autre sont les vrais points à rechercher dans ce type de relation, et c'est d'eux que naîtra, immanquablement, ce doux plaisir d'abandon que l'on appelle subspace. L'accélérer, c'est détruire la soumise. Chercher à le maintenir trop longtemps, c'est épuiser les deux partenaires, les vider de toute leur énergie, car le subspace en est grand consommateur, des deux côtés de la cravache.


 

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