Fioriture Fioriture Fioriture
Symbole BDSM

Une nouvelle

par nemesis


Il est des mondes où tout est permis, en général ils se trouvent dans notre for intérieur, petit monde secret où nos désirs les plus secrets prennent formes. Là, liberté est le mot d’ordre, les lois sont réinventées à notre échelle, le temps n’existe plus, les différences sont celles que l’on décide qu’elles soient.

De tels mondes font rêver et cela est bien leur but, pour certains individus le seul fait de les penser, de les imaginer leur est amplement suffisant pour leur apporter une certaine forme de bonheur ou de répit quand la réalité devient trop lourde ou trop insupportable ou tout simplement pour passer un bon moment en compagnie de son esprit. Cette catégorie est très largement majoritaire, pour les plus audacieux d’entre eux, une réalisation partielle et adaptée aux lois, us et coutumes de la société à laquelle ils appartiennent est pratiquée mais cela est sage et raisonnable. Cependant, il existe sur terre une poignée d’individu, je ne sais pas si on peut les qualifier d’élus mais un mot semble bien les désigner : les fous.

Loin de moi l’idée de me lancer dans un débat style «qu’est-ce donc que la folie », d’autre l’on fait avant moi avec beaucoup plus de réflexion, de talent, et de méthode. Non, là je vais seulement parler d’une catégorie de cette poignée, celle qui a décidé d’appliquer les lois du désir et de l’amour dans leurs cotés les plus extrêmes et les plus brûlants. Une bonne illustration vaut bien mieux qu’une longue explication est-il souvent dit, c’est ce chemin que j’ai choisi pour vous noble lecteur et cela en racontant cette histoire qui va suivre, une histoire rare où les lignes habituellement perçues s’effacent, où les contours deviennent flous le tout formant un espace aux repères nouveaux….

De leur rencontre nous ne savons rien mais nous n’en avons aussi rien à faire, la genèse d’un couple n’est pas la partie la plus intéressante. Le hasard les avait fait se rencontrer voilà ce que nous nous contenterons de dire. Très vite leur couple s’est éloigné des clichés habituels, non pour eux le plaisir était ailleurs, il ne se trouvait pas dans un restau-ciné, une ballade au parc ou bien un week-end sous la couette dans une chambre avec vue sur la mer. Sans même connaître leur vie on pouvait deviner ceci rien qu’en les voyant. Leur différence ne se trouvait pas dans le physique, c’était monsieur et mademoiselle «tout le monde », non, c’était dans l’impression qu’ils dégageaient, quelque chose qui allait bien au-delà de la simple complicité qui peut se trouver dans un couple amoureux, d’ailleurs s’aimaient-ils ? Ceci était indicible mais ce qui était sûr c’était que quelque chose de secret les unissait. D’où venait donc leur façon de se comprendre sans même avoir à parler, tout en eux était comme ritualisé presque planifié, il savait détecter en elle la subtilité d’un regard, le but d’une attitude ou d’une position, elle, elle savait anticiper ses moindres désirs, elle savait parler lorsqu’il le fallait tout comme elle savait se taire au bon moment, utilisant le silence comme un outil de ponctuation au but bien précis.

Du désir l’un pour l’autre ils en avaient, mais c’était une sorte de désir qui ne se contente pas d’un jeu de jambes sous la couette partagée. Connaître l’autre à travers le sexe et le plaisir est une chose que beaucoup de couples partagent mais cela aboutit-il à une connaissance profonde de l’autre ? Le plaisir peut-être pris égoïstement, dans l’irrespect de soi-même comme dans l’irrespect de l’autre, certains couples qui croient faire l’amour ne font en sorte que de la masturbation à deux, cela est reconnaissable au sentiment de frustration et de dégoût que cela fait naître par la suite dans leur propre conscience. Connaître l’autre c’est éprouver avec lui de la sympathie, ici j’utilise le mot avec son sens littéral c’est-à-dire partager le mal. Mais comment le mal peut-il se partager ? Ceci ne provient pas des aléas du sort, non, c’est d’une toute autre sorte de mal dont je veux parler, celui qui tout en faisant souffrir donne du plaisir, voir l’être aimé tenter de résister sous l’assaut des coups, subir les pires outrages par amour et pour connaître l’autre dans son aspect le plus cruel est une certaine façon de partager le mal mais cette vision est encore trop simpliste, c’est l’idée que les personnes les moins stupides se font de cette philosophie de la vie. Toute la pureté se trouve là, on peut la toucher par le renoncement mais aussi en donnant tout pour l’autre tout en se laissant aller à ses instincts. Elle était sa soumise, sa chose, sa poupée, son objet de chair, cela ne lui était pas imposé, non c’est elle qui se battait pour l’être. Elle s’échappait d’elle-même en recevant ses coups, elle se transcendait et cette aliénation lui était une si douce chose. Le but de la vie de beaucoup de personnes est «de devenir quelque chose » elle ne voulait qu’être rien, le rien de son Maître, n’obéir qu’à lui, ne suivre que les directives qu’il lui imposait, ainsi elle avait l’impression d’exister. Et oui, aussi paradoxal que cela puisse être c’est en devenant rien que l’on devient quelque chose, plus de parasites ou de questions existentielles qui brouillent les pistes, elle, elle savait qui elle était : la chose de son Maître. Ainsi elle clamait le droit de n’être rien, en n’étant que la chose de son Maître, il lui semblait se rapprocher chaque jour de la pureté, chaque jour être différente, chaque jour elle se dépassait. Etre la pute, la chienne docile, l’objet qui fera tout pour assouvir les désirs du Maître.

Se mettre à genoux face à lui, à quatre pattes lui lécher les pieds, sucer son doigt, présenter sa bouche, son sexe, son cul bien ouvert et bien écartelé comme il se doit à chaque fois que son Maître le lui réclame, recevoir des coups de cravache, de badine, de ceinture, de règle, de martinet en essayant le plus possible de ne pas crier même pas de gémir et pleurer en silence quand on ne tient plus. Mais les pleurs viennent rarement à cause de la douleur, non, ils viennent à cause de l’humiliation non pas de recevoir des coups ou des injures mais l’humiliation de ne pas avoir su tenir le coup pour son Maître. Repousser au plus loin ses limites et ses tabous, se masturber devant Lui, mouiller devant Lui cela malgré soi en tachant la moquette car on ne peut se retenir et on ne peut empêcher le flot de couler car on a les mains attachées derrière le dos et les jambes grandes écartées. Tout accepter dans le but ultime de Lui plaire, voilà la voie de la pureté et de la beauté. La vertu se trouve dans le vice, son exemple ne vous apprends rien je l’espère.

Ainsi, elle se transformait en figure de perfection, loin du cliché médiatique qui veut que la femme parfaite soi indépendante, hystérique avec de longues jambes et un homme qui lui fait l’amour sur le mode tantrique tout en lui faisant sa vaisselle, le superman des temps modernes qui est bon amant, bonne fée du logis, merveilleux père qui excite ses collègues de bureau. Ici nous sommes loin de cela, la beauté féminine se révèle dans le courage et le sacrifice dont les femmes savent faire preuve, et n’y a-t-il pas qu’une forme d’amour comme celle-ci qui peut révéler la splendeur des femmes ?

« Je suis ta chienne soumise et tu es mon Maître, tel est mon désir, tel est mon destin, tel est mon unique but. La plus soumise d’entre les soumises je tendrais à être, ta chose je deviendrais, te plaire tel est mon seul but.»

Telle était la devise de cette femme, femme dans sa forme la plus aboutie et la plus parfaite. Il serait plus que réducteur que de dire qu’une femme soumise ne comporte qu’une facette, non, elle est bien plus que cela, tour à tour putain, chienne, mais aussi femme forte, courageuse, généreuse, celle à qui le Maître peut tout confier, celle qui peut prendre pour les autres, autres qui n’ont su faire preuve d’assez de talent pour pouvoir le satisfaire. Regardez donc les tableaux de nos grands maîtres de l’art, ces Sabines désespérées que l’on enlève, ces Marie-Madeleine aux cheveux défaits se repentant de leurs péchés, ces Nocibé qui pleurent à en mourir, ces Judith se sacrifiant, ces Lucrèce qui se poignardent. Toutes ces grandes figures mythiques révèlent l’éclat de leur beauté sublime par le biais de leur sacrifice, leurs douleurs, leur courage, et les peintres qui les ont représentées ont bien compris que la splendeur de la femme ne peut que se révéler de la sorte, souffrir c’est aussi être vivant et quoi de plus attrayant qu’une femme vivante. Les esthètes ont tout compris et cela depuis la nuit des temps. Si depuis l’existence du modèle favori de Praxitèle la beauté est une vertu alors souffrir par le partage du mal en est une.

Parfois, et cela est compréhensible, elle ne tenait plus, tout semblait lui dépasser, ces coups elle avait peur de ne plus pouvoir les supporter comme il se devait, elle avait peur de ne plus résister aux humiliations, elle avait peur qu’en étant traitée de la sorte elle devienne un animal sauvage, contraire de la petite chienne bien dressée qu’elle était, elle avait peur de ne plus se supporter elle-même. Mais Lui il était là. Il n’était pas qu’une figure impitoyable dont le seul but était de la détruire en la réduisant à néant, non, une telle figure d’homme ne serait pas tolérable, il l’encourageait à aller toujours plus loin pour elle et lui, la félicitait quand il le fallait, la grondait aussi lorsqu’elle ne respectait pas ses engagements. Si elle ne pouvait exister sans Lui, Lui perdait son titre sans elle. Toute la complémentarité de l’homme et de la femme se trouvait donc ici touchant de près la forme la plus parfaite.

Ici, l’hypocrisie n’était plus de mise, pas de mensonge, ni de petits jeux, ni de simulacre, rien que de l’essentiel, du vrai, du pur, du brut. Avez-vous remarqué à quel point les êtres humains passent leur temps à se mentir, à tâtonner et cela dans le seul but d’être celui qui méprise le plus les autres, celui qui se joue le plus de l’autre et par la suite obtient le faux sentiment de dominer l’autre. Que de mensonges ingénieux les siècles ont du voir défiler, c’est par la qualité d’un mensonge que l’on peut comprendre l’intelligence d’un amant. Ici, toutes ces bassesses étaient exclues, chaque mot avait son sens, son but bien précis. Pas de réflexions inutiles sur la véracité ou l’existence d’un sentiment, il n’y a rien de plus réel et de plus sensuel qu’un coup que l’on reçoit ou qu’un ordre qui claque, là elle ressentait bien ce qu’Il attendait d’elle, elle sentait bien à quel point Il l’aimait de son amour à Lui et l’énergie qu’Il dépensait pour le lui faire ressentir.

Ils se retrouvaient lorsqu’il le décidait, pour prendre cette décision il écoutait bien sur ses propres désirs mais il s’attardait aussi sur la frustration de sa soumise car il pensait qu’il n’y a que le manque qui puisse décupler la profondeur d’une sensation. Ils avaient leur endroit favori : une petite chambre d’hôtel perdue dans une ruelle étroite de Paris. Non pas une ruelle glauque regorgeant d’hôtels de passe, mais un petit endroit calme bien connu d’eux seuls. Cette chambre elle comportait exactement ce qu’il fallait pour qu’un couple puisse s’aimer comme il se doit. Un lit deux places, un bureau avec une chaise, une fenêtre donnant sur un petit jardin public, une petite salle de bain avec juste un petit lavabo et une baignoire, les toilettes se trouvant sur le palier. Pour la prévenir de la rencontre, il se contentait de lui passer un coup de fil le jour même, tôt le matin afin qu’elle ait le temps de se préparer et de s’organiser, parfois il lui disait comment s’habiller, si elle devait revêtir un vêtement en particulier, mettre son petit ensemble gris qu’il aimait tant, lui dicter la couleur de ses bas ou bien si elle devait mettre des sous-vêtements ou non.

- Aujourd’hui je souhaite que tu mettes tes bas couleur chair, ton caraco noir et ta jupe bouffante grenat et rien d’autre, ne mets ni soutiens-gorge ni slip.

Tel était le genre de phrase qu’il lui disait. Elle, elle obéissait avec toute la joie et l’enthousiasme qu’une femme de sa condition devait montrer, cette joie et cet enthousiasme ne s’exprimait pas par de grands sourires, des rires complices ou un apprêtement excessif comme savent en montrer les femmes amoureuses, non, elle faisait exactement ce qu’il lui disait de faire, n’excédant rien, n’ajoutant rien à sa toilette de plus que ce qu’il lui avait demandé. Le maquillage et le parfum étaient présents mais de manière discrète et raffinée, les chaussures devaient toujours être à talons, les cheveux délicatement relevés.

Selon un accord fixé dès le départ c’est elle qui devait dès qu’elle était prête se rendre dans cet hôtel, prendre la clé de la chambre préalablement réservée par ses soins, monter dans la chambre et l’attendre jusqu’à ce qu’il vienne la rejoindre, l’attente pouvant durer plusieurs heures. Elle attendait, elle attendait la tête pleine d’images des séances précédentes, espérant que cette fois-ci le plaisir serait encore renouvelé, que son Maître ne l’aura pas oublié parce qu’il aura trouvé sur le chemin une femme capable de la remplacer. Elle y réfléchissait mais au fond d’elle-même elle savait que ses craintes étaient stupides et non fondées, elle était la soumise et Lui le Maître, point. Il n’y avait pas à chercher plus loin. Tout ceci la rassurait et lui donnait encore plus d’impatience à le voir. Elle se demandait ce qu’il lui réservait pour ce jour-là, quelles postures Il lui ferait prendre, que lui demanderait-il de faire pour Lui, pour lui faire prouver à quel point elle Lui était soumise. Tout ceci se bousculait dans sa tête faisant monter son excitation, l’ordre était qu’elle devait rester assise sur la chaise le dos à la porte et que dès qu’elle entendait le bruit de la porte qui s’ouvrait, elle devait descendre de la chaise et se mettre à genoux, face à Lui et face contre terre dans une attitude de prosternation. Mais l’excitation qui montait avec le désir grandissant qu’elle avait de le voir la faisait avoir du mal à se tenir comme il fallait, elle avait très envie de quitter sa chaise et de faire les cents pas dans la petite chambre, étant nerveuse de nature. Dès lors, elle pensait fortement à son Maître et à combien il serait déçu d’elle si elle ne respectait pas ses ordres. Pour elle il n’y avait rien de plus terrible que de décevoir son Maître, sentir sur elle ce regard impitoyable et plein de reproche lui était terriblement humiliant, elle se sentait dès lors la plus désespérée des créatures de l’univers.

Bruit d’une poignée que l’on tourne. Elle se met en position comme sa condition l’exige. Elle entend son souffle, le bruit de ses pas, le crissement du tissu de ses vêtements, elle sent son odeur, se demande comment il s’est vêtu aujourd’hui, s’il porte les marques d’une précipitation ou bien s’il a pris tout son temps pour venir, s’il a chaud ou bien si ses joues son froides parce qu’il a marché dans le froid hivernal. Ses pieds sont devant elle, elle sent l’odeur sèche et animale du cuir, son cœur palpite très fort, elle en tremblerait presque de joie et de peur mêlée. Elle n’a pas encore entendu le son de sa voix, est-ce vraiment Lui ? Oui c’est Lui et elle le sait, elle reconnaîtrait ces sensations parmi des milliers, elle attend.


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