Une unique queue, composée de plusieurs lanières
tressées, le Single Tail est un serpent au venin puissant…
J’ai encore beaucoup de mal à l’apprécier,
car je le trouve beaucoup plus cinglant que ses cousins aux
multiples langues ; j’ai besoin de faire plus d’effort
pour appréhender, accepter et transformer les multiples
douleurs qu’il procure ; en bref, il ne peut se comparer
aux autres.
J’adore son claquement et son souffle, rien que ce son
très chaud, sec et grave, comme chargé d’électricité me
grise en quelques secondes alors que mon Maître ne m’a
pas encore effleurée. Son souffle est magistral : c’est
un serpent qui s’élance sur sa proie et qui siffle
autour d’elle pour mieux l’hypnotiser, jouant avec
elle afin de mieux la happer, au moment où elle s’y
attend le moins.
Les multiples sensations proviennent à la fois de la
force que mon Maître emploie à appliquer ses touches,
et de la façon dont il fait se coucher son fouet sur
moi.
Commençons par les frappes de la pointe du Single Tail,
et de celles-là mes préférées,
celles qui caressent à peine mon corps : j’ai
l’impression
de petites piqûres de moustique, tout de suite éteintes
par ma peau qui les absorbe et les noie dans une sensation
de chaleur douce et feutrée. Je ne ressens pas une sensation
de massage, mais plutôt de fourmillement intense et bref,
qui augmente mon sentiment de vapeurs et de tête qui
tourne à l’infini.
Lorsque mon Maître augmente un peu la force de ses coups,
mais sans paroxysme, le moustique devient alors serpent, et
là c’est une morsure franche qui me transperce
jusqu’à l’intérieur de mes os. Ce
n’est pas désagréable, au contraire, mes
sens ont du mal à comprendre ce qui m’arrive,
et j’ai le sentiment d’être percutée
par des billes brûlantes - mais de cette même chaleur
soyeuse qu’auparavant créait ma peau pour absorber
les piqûres. Je les laisse me fondre, et j’apprécie
beaucoup quand les frappes touchent mon corps comme au hasard,
aucune parcelle n’est oubliée, plus aucun pan
de mon esprit ne peut plus s’échapper de cette
hypnose, j’aurais presque envie de tournoyer sur moi
même pour m’offrir au prédateur… alors
qu’un moment plus tôt, encore effrayée par
ce fouet dont le nom me glace, j’aurais donné cher
pour que mon Maître choisisse pour moi un autre fouet
! Je crois que c’est aussi parce que j’en ai autant
peur, que de le recevoir me semble impossible, mais que le
subspace atteint est aussi intense et polymorphe - une fois
devant le fait accompli, mon corps ne peut que se résoudre à accepter
ce qui lui arrive, pour que la séance devienne une débauche
de sensations fortes mais supportables, mais enviables, mais
essentielles ! Et parce que je n’ai pas eu le choix
de refuser, de passer outre, d’exprimer ma volonté,
alors mon âme veut trouver plus vite la voie de son salut,
alors mon esprit, dégagé de toute responsabilité dans
cette aventure, veut s’envoler encore plus vite et encore
plus haut, alors mes sens s’étiolent et je sombre
dans une ascension vertigineuse, colorée, fourmillante,
chaude, immatérielle et enveloppante.
Dans cet état, vous comprenez bien que je ne sens plus
véritablement les attaques du serpent ; si mon Maître
augmente encore sa force, je reviens partiellement à la
réalité. Mon esprit divague, certes, mais mon
corps est à nouveau conscient, de ses limites, de la
douleur (point encore exquise car le travail de transformation
n’est pas encore mis en place), de son entourage proximal
(les flots de musique, les mouvements de mon Maître,
ma position par rapport au sol, aux chaînes, les bruits
du fouet), des traces des anciennes frappes. C’est pourquoi
je peux vous décrire les effets du Single Tail appliqué à forte
puissance, où chaque coup est un déchirement
de mon corps. Je m’explique : lorsque l’extrémité de
la queue touche ma peau, ce n’est pas sa surface qui
ressent le choc, mais l’intégralité de
mes tissus et ce, jusque de l’autre côté de
mon corps. Ainsi, je ressentirais un coup sur la fesse au niveau
de l’aine ou du bas du ventre, tout en brûlure
vive, qui s’estompe très lentement, laissant une
traînée de type « raclement du côté vert
de l’éponge », associée à un
frémissement des tissus qui ne savent plus s’ils
doivent se contracter sous la douleur ou se détendre
pour la laisser glisser sans lui laisser prise. Petit à petit,
les coups s’effacent derrière la pensée
que je ne peux y échapper, et que, quoi que je fasse,
la douleur sera toujours là : mon corps adopte alors
la seule technique qu’il connaisse pour ne plus ressentir
le moindre mal, il se transforme en quelque chose d’inconsistant
et d’irréel, sans essence, sans contour, sans
liens avec lui-même et ce qui l’entoure…C’est
le deuxième voyage que m’offre mon Maître
dans les tréfonds du subspace. Celui-ci est très
différent du précédent, il s’agit
plus d’un voyage en forme d’introspection d’une
lourdeur étonnante ; je circule dans un corps que je
ne reconnais pas, que je ne comprends pas ; je cherche en moi
une pensée propre, un éclair de lucidité sur
ce qu’il m’arrive, et je ne trouve que des bribes
de souvenir que je revis de l’extérieur comme
un fantôme assistant à des scènes trop étrangères
pour qu’il puisse s’y intégrer. Je ne réintègre
mon enveloppe que si mon Maître fait une courte pause
: frappes moins fortes, ou différentes : avec le corps
de son fouet, ou lorsqu’il s’approche de moi en
m’entourant de son corps, me demandant des informations
sur mon état. Je ne me souviens jamais de mes réponses,
j’espère toutefois qu’elles sont suffisamment
reconnaissantes et respectueuses, mais mon Maître ne
m’en a jamais fait remarque…
Je crois qu’il est temps de passer au second aspect
des frappes, lorsque ce n’est plus l’extrémité qui
touche, mais le corps du Single Tail. Même si la force
qu’emploie mon Maître n’est pas d’une
importance marquée, j’ai l’impression d’être
coupée en deux à l’endroit où se
pose le fouet. C’est net, d’une précision
atroce et fulgurante ; c’est vif, il n’y a aucun
effet secondaire durant dans le temps mis à part le
sentiment que ma peau est éclatée sur toute la
longueur du trait. Au fur et à mesure que le Single
Tail revient sur un endroit déjà touché de
cette façon, je n’ai plus l’impression d’être
découpée, mais au contraire que mon Maître
est en train de verser entre les morceaux de mon puzzle un
ciment bouillonnant pour ressouder mon corps. Je suis entre
ses mains une statue de chairs annihilées et flottantes,
et son amour me forge à son plaisir, je reprends vie
dans son creuset étrangement apaisant. C’est à ce
moment que je pars à nouveau : je ne suis plus moi,
je ne suis plus que sa chose, son jouet, je n’existe
que par ce qu’il fait de moi ; mon esprit à mille
lieux de là ne s’offense ni ne se rebelle plus à ses
coups, voire les espère, les désire, les attend,
les demande encore et encore pour pouvoir rester dans ce merveilleux
monde chatoyant où plus rien d’autre que ce serpent
ne le touche.
Voici le venin magnifique du Single Tail : je le crains pour
ce qu’il me renvoie de négatif, à savoir
ma peur incontrôlable de le sentir en moi ; tout autant
je le veux pour l’évasion dans le ciel chatoyant,
brillant, des sens évadés au-delà du réel,
pour l’amour de mon Maître que je vis alors plus
profondément que jamais.
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