Accessoires SM : Le fouet
Dans mes fantasmes d’enfant, il y avait à peu près tout ce qui constitue le folklore du BDSM… à une exception près. Les fouets – sous toutes leurs formes – ne se sont jamais invités dans mes rêves secrets.
Naturellement, le temps et les expériences sont venus m’enseigner des plaisirs que j’ignorais, tels les délices d’une fessée que l’on applique avec amour sur les rondeurs d’une belle qui se trémousse. Plus tard j’allais timidement m’essayer à l’usage de quelques martinets de basse qualité, mais c’est Le Squale qui me mit en main mon premier vrai fouet single tail et m’en enseigna les rudiments, après que le Michel d’Axelle m’en ait le premier fait découvrir les sensations.
L’instrument a quelque chose de magique ; un véritable plaisir de gosse. Enfant, j’avais appris le maniement d’armes asiatiques étrange comme le tonfa, le bo et le bo naginata, le nunchaku à deux et à trois branches, et il m’avait été donné de voir quelques démonstrations du très inquiétant kusari gama. Adulte, je retrouvais ces sensations – phalliques, très probablement – que l’on éprouve à tenir dans sa main une arme dangereuse au maniement délicat. Le single tail a ceci en commun avec le nunchaku qu’il est aussi dangereux pour le porteur que pour sa cible… je me souviens avoir ratiboisé les branches fines d’une forêt en m’entraînant au maniement de ce dernier, au prix de quelques bleus sur mon crâne d’enfant. Des années plus tard, j’allais découper une à une les feuilles de mon ficus à la pointe de mon fouet, sans manquer d’emmêler vingt fois mon cracker dans les bibelots du séjour qui avaient le malheur de croiser sa route, ni de recevoir au visage ou à la main les conséquences de mes premières tentatives de passage du mur du son.
Je me souviens, quelques années plus tard, des compliments que nous reçûmes, Le Squale et moi, de la part des spectateurs du club où nous nous étions, chacun notre tour, livrés à l’exercice délicat qui consiste à fouetter les culs de nos soumises sans les blesser, en maniant deux fouets en même temps – main gauche, main droite. L’un d’eux m’approcha ensuite, pour me féliciter en ces termes : « Vous savez que vous ne devez pas être plus d’une poignée en France, à pouvoir faire cela ? ».
Modeste, je lui ai répondu oui. C’était très exagéré, je le savais, mais il faut entretenir le mythique, dans le jeu SM – il contribue au plaisir de tous les protagonistes. Et puis, il me fallait bien assumer mon pantalon en cuir de carnaval et ma belle chemise noire : jouer à fond, ou ne pas jouer. Aurait-il été sage de lui dire que ce n’est vraiment pas si difficile que ça, que quelques mois et un ficus suffisent à l’entraînement, et que le plaisir ressemble à celui qui consiste à se saisir d’un bâton pour crier « bang-bang » à qui veut l’entendre ?
Je me souviens, ce même soir, mon aristochate qui tournait légèrement la tête à chaque coup un peu appuyé, comme pour me dire « attention, tu te trompes, tu as tapé celui-là trop fort ». Ces accents de ma part étaient tous volontaires et bien contrôlés ce soir-là (les marques allaient en disparaître dans l’heure), mais comment aurait-elle pu en être certaine ? Comment savoir qu’aucune goutte de sang ne perlait sur ses fesses, comment être sûre que devant cette assemblée, je n’allais pas vouloir trop en faire ?
Je me souviens, lorsque j’amorçais la rédaction de Plaisirs SM et soumettais à ma douce rédactrice en chef un passage sur les bonheurs du fouet, la manière dont elle s’écria immédiatement : « …et le plaisir du danger ! », avant d’ajouter : « …et de la fierté ! ».
Excitation de la peur, volupté de l’inquiétude, saveur du cracker qui devient nuée de moustiques à lui seul pour distribuer ses piqûres aux parties charnues d’un corps délicat, fierté de subir en public ce supplice à l’apparence terrifiante, et fierté d’être avec celui qui sait si savamment distribuer ces caresses expertes… ils ne sont qu’une poignée en France, paraît-il…
P. Khayyam
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