De l'autre côté du miroir

par darkleen{LS}


Petite Alice découvrant le pays des merveilles, voici mes premiers pas dans le terrier BDSM, livrés ici à la fois pour rassurer les anxieux, convaincre les sceptiques, faire partager aux initiés comme aux novices et aux non-avertis mes sensations et mon ressenti. Il me semble en effet important de faire savoir que, derrière les clichés faciles véhiculés par une presse moyenne et des idées reçues particulièrement tenaces au fil du temps, se cache un univers sensoriel très riche - et surtout très enrichissant...

Permettez-moi de me présenter en quelques mots: j'ai 23 ans, suis étudiante, et ai fait mes premiers pas dans l'art de vivre BDSM il y a quelques semaines (début juin 2003, pour être précis). Je serais heureuse de répondre à vos questions: vous pouvez me joindre dans le canal_SM sous le pseudonyme de darkleen{LS}.
C'est donc par mes yeux neufs, grands ouverts de mes découvertes, que je vous propose de voyager dans les différentes pratiques BDSM. Êtes-vous prêt à suivre le lapin blanc ?


Terrier BDSM, conduit numéro un: les fouet.

On ne le dira jamais assez: recevoir le fouet de la main de son Maître est une récompense sublime - si, si, une récompense, que dis-je ! Un honneur, un cadeau merveilleux... Écartez les bribes de souvenirs scolaires et livresques concernant les matelots punis de cette manière, les galériens et forçats châtiés de même, et suivez ce premier lapin.
Mais d'abord, quelques petits rappels importants avant de vous faire part de mes sensations:

Le flogger (mon préféré)

Sa mise en action fait naître un souffle profond et chaud, un peu lourd, qui atteint le corps avant les lanières. Puis leurs extrémités viennent frapper la peau, produisant une sensation de picotement rapide et léger. Il vous est sûrement arrivé de vous réveiller au milieu de la nuit avec un membre totalement engourdi: pendant quelques minutes vous avez remué vos doigts. Alors la circulation sanguine se rétablissant, vous avez senti un fourmillement atrocement salvateur, libérateur, envahir ce membre. Le picotement dont je vous parle correspond parfaitement à ceci, mais au lieu de durer, se ressent en un dixième de seconde. Car tout de suite le plat des lanières touche la peau à son tour, donnant un effet claquant de suite éteint.
Claquant, certes, mais non point brutal: vous vous êtes déjà donné une claque, pensant alors écraser le moustique en train de vous piquer. Vous vous attendiez à ce geste, en étant à la fois l'exécuteur et le bénéficiaire, et pour cela cette claque fut neutre: ni agressive envers vous-même, ni paralysante de surprise. Ainsi le plat des lanières se pose sur le corps.
Dès que les lanières se sont vues plaquées, aussitôt elles se retirent, soit glissantes: alors l'endroit atteint est doucement mais rapidement caressé par le mouvement de repli, soit vivement écartées: un effet de souffle inverse à celui de l'approche du coup rafraîchit la zone fouettée, qui s'en retrouve comme remise à neuf.

Si le flogger n'était que cela, il ne serait rien encore. Là, vous n'avez le détail que d'un seul coup. Ce qui pour moi fait tout l'intérêt du flogger, c'est que celui qui me l'offre prenne bien garde à atteindre tour à tour mes épaules, mon dos, mes reins, mes cuisses, mon ventre, ma poitrine et mes fesses... et ce, dans des mouvements d'inégales forces et vitesses. Cela me donne alors l'impression d'être entourée d'une multitude de souffles et de "faire peau neuve" par les picotements et caresses qui réveillent chaque centimètre carré de mon corps. Plus tonique qu'un massage classique, plus grisant par l'effet de surprise de la nouvelle zone réveillée.

Au bout d'un certain temps - ne me demandez pas de le quantifier, j'en serai incapable, bien trop occupée à absorber ces sensations - la moindre parcelle de peau est sensible. J'entends là que je la sens exister: j'ai conscience parfaitement de mes limites corporelles, comme si j'étais plongée dans un bain chaud, ou enveloppée de ces linges que l'on vous sert dans les restaurants asiatiques. À ce moment précis je ressens le besoin d'une frappe plus forte pour augmenter le niveau de perception de mon corps. Imaginez que vous achetez de nouvelles chaussures: nouvelle forme, coupe, système de fermeture... Votre pied ne se reconnaît pas dedans. Vous serrez un peu, beaucoup, desserrez... jusqu'à ce que pied et chaussure forment un ensemble de sensations à la fois compatibles avec votre façon de marcher et au confort de votre pied: vous avez adapté un contenant physique à une partie de votre corps, autant que vous avez modifié la conscience que vous avez de cette partie du corps par rapport à un élément extérieur que vous ne pouvez que peu transformer.
Des coups plus forts resserrent la chaussure "flogger": la perception que j'ai de mon corps enveloppé se fait plus intense, plus comprimante; mon corps existe, il est maintenu, entouré plus étroitement. Les fibres de ma peau sont comme choyées par des milliers de doigts invisibles: les lanières du flogger qui se multiplient de leur touche au hasard du désir de mon Maître.

À force de recevoir des coups plus ou moins doux, secs, forts, traînants, claquants, la tête me tourne. Mon corps est cuisant - le fouet n'est pas anodin - et je sens des douleurs exquises. Pour la douleur, je crois que vous ne comprenez que trop bien. Quant au côté exquis... Voilà le fait du masochisme:
La douleur, dans notre civilisation, dans not civilisation occidentale, du moins pour ce que j'en sais, est associée au désagréable voire à l'insupportable (douleur d'un membre cassé, douleur de la perte d'un être cher) ainsi qu'à la notion de péché (douleur du Christ qui souffre pour l'humanité, sans oublier l'éternel "il faut souffrir pour être belle" - péché d'orgueil). Mais la douleur est aussi délivrance (pensez aux parturientes) mais la douleur est aussi exquise: lorsqu'elle prend fin. Aussi, lorsque je commence à la ressentir, j'en fais abstraction, je ne m'attache qu'à l'instant où elle s'efface. Chaque coup de fouet n'est plus douleur, mais arrêt de la douleur. Cette gymnastique mentale fait tourner ma tête encore plus vite, comme si j'allais m'évanouir. Autre gymnastique: n'accorder aucune place à l'évanouissement, mais tenter de ressentir uniquement ce sentiment d'abandon léger, de vapeur insouciante (car j'ai confiance en mon Maître qui prend garde à moi). Mes endorphines, stimulées à leur maximum à la fois par les sensations physiques et les impressions mentales, libèrent des doses massives de plaisir: je plane. Telle une droguée, mon corps n'existe plus, mon esprit ne m'obéit plus, il se sert de lui-même pour lui-même, pour que plus d'endorphines libèrent plus de plaisir.
Concrètement ? Mes muscles sont totalement détendus, mon tonus musculaire est quasi-nul, je me laisse aller dans les liens qui maintiennent mon corps (les liens sont importants: s'ils n'étaient pas là je m'écroulerais et mon Maître ne pourrait plus m'offrir le fouet) et derrière mes yeux fermés je compte les oiseaux imaginaires... Mais cela est mon délire, et qui sait lequel sera le votre ?

Puis mon Maître me détache, et je m'écroule dans ses bras. Il me faut parfois jusqu'à une demi-heure pour revenir sur terre, réussir à ouvrir les yeux, comprendre que les loopings accompagnés d'oiseaux sont terminés. Alors je remercie mon Maître: mais chut ! Ce moment n'appartient qu'à nous.

Le chat à neufs queues (Cat o'nine)

Je ne vous redirais pas ici mon point de vue sur la douleur, la préparation du Maître et la confiance de la soumise, je pense que vous avez maintenant compris l’importance qu’il faut y accorder.
Mais il est nécessaire que la séance se pratique dans une bonne ambiance ; et ceci dépend de chacun pour ce qui concerne le fond sonore, le moment de la journée (il faut que les deux partenaires soient à l’aise, dans de bonnes conditions psychologiques : si les soucis de la vie courante vous minent ce n’est pas le bon moment). N’hésitez pas à vous faire plaisir… La luminosité par contre se doit d’être suffisante pour que le Maître soit sûr de ses gestes – pour ma part, un bandeau sur les yeux me permet de rejoindre plus rapidement les oiseaux, ce qui n’est peut être pas votre cas…

Le chat à neufs queues est le cousin du flogger :ses effets sont quasiment identiques. Il porte pour moi bien son nom : son souffle est plus rauque, ses extrémités plus piquantes, ses lanières plus cinglantes que le flogger et j’ai en fait l’impression d’être massée par un félin aux griffes lourdes et aériennes.

Reprenons point par point : d’abord, le souffle ; plus rauque, très chaud, il ressemble pour moi à un feulement. De même lorsque vient le mouvement de repli, celui-ci est plus sec et sans l’effet rafraîchissant dont je vous parlais tout à l’heure.
Les pointes des lanières me font l’effet de petites pelotes de griffes émoussées, comme une légère dermabrasion (vous faites la vaisselle, et au lieu de frotter l’assiette avec le grattant vert de l’éponge, vous griffez le dos de votre main une fraction de seconde avant de vous rendre compte de votre erreur). Quant aux lanières, plus pesantes, elles me donnent l’impression très étrange que ma peau éclate en bulle de savon à leur contact. Loin d’être désagréable, cela me fait sentir plus légère, comme si mon corps se délestait d’un poids à chaque explosion de bulle.

La sensation de douleur est différente aussi : au lieu de s’effacer quasi-instantanément, elle « cuit » quelques secondes (en fait, cette cuisance persiste de plus en plus longtemps à mesure que les coups se répètent aux mêmes endroits) et ma gymnastique mentale consiste alors à m’imaginer cela comme autant de légers « coups de soleils ». Mon délire est de fait plus brillant : le félin qui me masse se transforme en boule de feu…Vous voyez le Professeur Tournesol dans Tintin et le Temple du Soleil, lorsqu’il est assailli par la boule d’orage ? C’est exactement cet effet, mais en mieux…

Le relâchement final est identique, quoique je le trouve plus difficile à maîtriser. Paradoxal : maîtriser son abandon ! Mais c’est bien la marche à suivre si vous voulez profiter au maximum des sensations qui vous assiègent - je n’aime pas laisser un tel désordre émotionnel s’installer, car je veux jouir pleinement de chaque instant, de chaque mouvement, de chaque pensée.
Je ne peux vous dire ce qu’il advient de mon Maître lors de ces séances car tout ceci me rend profondément égoïste à mon propre vécu ; quasiment autiste à tout ce qui n’est pas moi, je me fonds en moi-même et ne m’appartiens plus.
Le plus agréable dans tout ceci ? C’est de retrouver la réalité des bras de mon Maître qui m’enserrent, son regard profond qui cherche mes yeux au-delà des étoiles éblouissantes du subspace, et son souffle sur moi pantelante, bien plus grisant que tous les fouets du monde.

Le Single Tail

Une unique queue, composée de plusieurs lanières tressées, le Single Tail est un serpent au venin puissant…
J’ai encore beaucoup de mal à l’apprécier, car je le trouve beaucoup plus cinglant que ses cousins aux multiples langues ; j’ai besoin de faire plus d’effort pour appréhender, accepter et transformer les multiples douleurs qu’il procure ; en bref, il ne peut se comparer aux autres.

J’adore son claquement et son souffle, rien que ce son très chaud, sec et grave, comme chargé d’électricité me grise en quelques secondes alors que mon Maître ne m’a pas encore effleurée. Son souffle est magistral : c’est un serpent qui s’élance sur sa proie et qui siffle autour d’elle pour mieux l’hypnotiser, jouant avec elle afin de mieux la happer, au moment où elle s’y attend le moins.

Les multiples sensations proviennent à la fois de la force que mon Maître emploie à appliquer ses touches, et de la façon dont il fait se coucher son fouet sur moi.
Commençons par les frappes de la pointe du Single Tail, et de celles-là mes préférées, celles qui caressent à peine mon corps : j’ai l’impression de petites piqûres de moustique, tout de suite éteintes par ma peau qui les absorbe et les noie dans une sensation de chaleur douce et feutrée. Je ne ressens pas une sensation de massage, mais plutôt de fourmillement intense et bref, qui augmente mon sentiment de vapeurs et de tête qui tourne à l’infini.
Lorsque mon Maître augmente un peu la force de ses coups, mais sans paroxysme, le moustique devient alors serpent, et là c’est une morsure franche qui me transperce jusqu’à l’intérieur de mes os. Ce n’est pas désagréable, au contraire, mes sens ont du mal à comprendre ce qui m’arrive, et j’ai le sentiment d’être percutée par des billes brûlantes - mais de cette même chaleur soyeuse qu’auparavant créait ma peau pour absorber les piqûres. Je les laisse me fondre, et j’apprécie beaucoup quand les frappes touchent mon corps comme au hasard, aucune parcelle n’est oubliée, plus aucun pan de mon esprit ne peut plus s’échapper de cette hypnose, j’aurais presque envie de tournoyer sur moi même pour m’offrir au prédateur… alors qu’un moment plus tôt, encore effrayée par ce fouet dont le nom me glace, j’aurais donné cher pour que mon Maître choisisse pour moi un autre fouet ! Je crois que c’est aussi parce que j’en ai autant peur, que de le recevoir me semble impossible, mais que le subspace atteint est aussi intense et polymorphe - une fois devant le fait accompli, mon corps ne peut que se résoudre à accepter ce qui lui arrive, pour que la séance devienne une débauche de sensations fortes mais supportables, mais enviables, mais essentielles ! Et parce que je n’ai pas eu le choix de refuser, de passer outre, d’exprimer ma volonté, alors mon âme veut trouver plus vite la voie de son salut, alors mon esprit, dégagé de toute responsabilité dans cette aventure, veut s’envoler encore plus vite et encore plus haut, alors mes sens s’étiolent et je sombre dans une ascension vertigineuse, colorée, fourmillante, chaude, immatérielle et enveloppante.
Dans cet état, vous comprenez bien que je ne sens plus véritablement les attaques du serpent ; si mon Maître augmente encore sa force, je reviens partiellement à la réalité. Mon esprit divague, certes, mais mon corps est à nouveau conscient, de ses limites, de la douleur (point encore exquise car le travail de transformation n’est pas encore mis en place), de son entourage proximal (les flots de musique, les mouvements de mon Maître, ma position par rapport au sol, aux chaînes, les bruits du fouet), des traces des anciennes frappes. C’est pourquoi je peux vous décrire les effets du Single Tail appliqué à forte puissance, où chaque coup est un déchirement de mon corps. Je m’explique : lorsque l’extrémité de la queue touche ma peau, ce n’est pas sa surface qui ressent le choc, mais l’intégralité de mes tissus et ce, jusque de l’autre côté de mon corps. Ainsi, je ressentirais un coup sur la fesse au niveau de l’aine ou du bas du ventre, tout en brûlure vive, qui s’estompe très lentement, laissant une traînée de type « raclement du côté vert de l’éponge », associée à un frémissement des tissus qui ne savent plus s’ils doivent se contracter sous la douleur ou se détendre pour la laisser glisser sans lui laisser prise. Petit à petit, les coups s’effacent derrière la pensée que je ne peux y échapper, et que, quoi que je fasse, la douleur sera toujours là : mon corps adopte alors la seule technique qu’il connaisse pour ne plus ressentir le moindre mal, il se transforme en quelque chose d’inconsistant et d’irréel, sans essence, sans contour, sans liens avec lui-même et ce qui l’entoure…C’est le deuxième voyage que m’offre mon Maître dans les tréfonds du subspace. Celui-ci est très différent du précédent, il s’agit plus d’un voyage en forme d’introspection d’une lourdeur étonnante ; je circule dans un corps que je ne reconnais pas, que je ne comprends pas ; je cherche en moi une pensée propre, un éclair de lucidité sur ce qu’il m’arrive, et je ne trouve que des bribes de souvenir que je revis de l’extérieur comme un fantôme assistant à des scènes trop étrangères pour qu’il puisse s’y intégrer. Je ne réintègre mon enveloppe que si mon Maître fait une courte pause : frappes moins fortes, ou différentes : avec le corps de son fouet, ou lorsqu’il s’approche de moi en m’entourant de son corps, me demandant des informations sur mon état. Je ne me souviens jamais de mes réponses, j’espère toutefois qu’elles sont suffisamment reconnaissantes et respectueuses, mais mon Maître ne m’en a jamais fait remarque…

Je crois qu’il est temps de passer au second aspect des frappes, lorsque ce n’est plus l’extrémité qui touche, mais le corps du Single Tail. Même si la force qu’emploie mon Maître n’est pas d’une importance marquée, j’ai l’impression d’être coupée en deux à l’endroit où se pose le fouet. C’est net, d’une précision atroce et fulgurante ; c’est vif, il n’y a aucun effet secondaire durant dans le temps mis à part le sentiment que ma peau est éclatée sur toute la longueur du trait. Au fur et à mesure que le Single Tail revient sur un endroit déjà touché de cette façon, je n’ai plus l’impression d’être découpée, mais au contraire que mon Maître est en train de verser entre les morceaux de mon puzzle un ciment bouillonnant pour ressouder mon corps. Je suis entre ses mains une statue de chairs annihilées et flottantes, et son amour me forge à son plaisir, je reprends vie dans son creuset étrangement apaisant. C’est à ce moment que je pars à nouveau : je ne suis plus moi, je ne suis plus que sa chose, son jouet, je n’existe que par ce qu’il fait de moi ; mon esprit à mille lieux de là ne s’offense ni ne se rebelle plus à ses coups, voire les espère, les désire, les attend, les demande encore et encore pour pouvoir rester dans ce merveilleux monde chatoyant où plus rien d’autre que ce serpent ne le touche.

Voici le venin magnifique du Single Tail : je le crains pour ce qu’il me renvoie de négatif, à savoir ma peur incontrôlable de le sentir en moi ; tout autant je le veux pour l’évasion dans le ciel chatoyant, brillant, des sens évadés au-delà du réel, pour l’amour de mon Maître que je vis alors plus profondément que jamais.


Terrier BDSM, conduit numéro deux: le bondage.

Avec tout d'abord un peu d'histoire personnelle pour débuter ensemble dans ce 2e conduit... Sachez que j'ai toujours désiré être attachée (signe principal d'une contrainte provenant d'une volonté extérieure) que cette idée m'a longtemps fait frémir de peur - ce n'est pas évident de se concevoir ainsi à merci d'un(e) autre. Le grand Houdini a d'aussi loin que je me souvienne, tenu une place certaine dans mes pensées: cet homme, d'une agilité, dextérité, résistance et souplesse incroyable, a relevé des défis hors norme en matière d'évasion de toutes sortes. D'autres imposaient à son corps des contraintes matérielles, et il a réussi à chaque fois à en saisir l'esprit pour mieux s'en défaire. C'est un peu ce que je vous propose de faire avec moi: nous allons dépasser les différentes façons de ligoter une soumise, et tâcher d'atteindre ce qui fait l'esprit du bondage... pour mieux s'y attacher!

Attaquons-nous tout d'abord au plus simple:la contrainte physique. Les cordes attachent, maintiennent, enserrent, et délimitent les mouvements possibles, les contours du corps. La phase de mise en place du bondage est pour moi un moment privilégié, très sensuel. Les cordes qui glissent sur ma peau me font frissonner, créant quasiment une excitation physique. D'autant que je ne sais que rarement ce que mon Maître veut réaliser. Selon ce qu'il veut me voir porter, et de quelle façon, je tends mes muscles, je place mes membres. Les cordes sont toujours trop lentes et trop rapides à se resserrer autour de moi: ne pas bouger, ne pas gêner les préparatifs. La délivrance vient petit à petit, au gré des arrêts des noeuds, totale lorsque le bondage est terminé. Je peux alors me relâcher dans mes liens, mon corps gardant la position désirée par mon Maître. Les cordes sont toujours serrées de façon à ne pas couper la circulation sanguine, mais aussi avec une certaine force qui fait ressentir pleinement l'habit de chanvre ou de coton. A ce moment, la peur prend le pas sur l'excitation un instant, pour mieux la renforcer dès qu'elle s'évanouie: je me rend alors bien compte de ce qu'il m'est possible ou pas, et je me laisse envahir par une douce panique animale (mais qu'allais-je faire dans cette galère ?!)
Le comble de la contrainte physique réside dans le bondage à maintenir soi-même... Je m'explique: il est des formes d'attachement, où la robe de chanvre n'est jolie, les noeuds bien alignés, que si la soumise ainsi enlacée garde sans bouger certaines positions. Ainsi le bondage maintient une partie du corps, tandis que le corps retient le bondage. Et c'est à la fois une fierté et une torture que de rester immobile pour la beauté de l'oeuvre - et surtout la satisfaction du Maître...

Fierté et esthétisme, inhérents au bondage... Les cordes soulignent les courbes du corps, et si mon Maître choisit tel ou tel autre système de lien, c'est aussi par sens de l'esthétisme. Il me trouve belle ainsi et je suis fière de cette attention. Tous les bondages ne sont pas "sortables", mais les florentines (ou certaines robes qui peuvent se porter en guise de sous vêtements) peuvent passer quasiment inaperçues. J'en ai déjà porté à l'extérieur, en soirée BDSM ou tout simplement pour aller au restaurant (le seul vrai restaurant japonais de paris puisqu'on y pratique le Shibari) - et là, c'est l'affolement général des sensations ! Je sais en effet que seuls les initiés reconnaîtront les florentines(pour ne garder que cet exemple) comme signe d'engagement dans le BDSM.Et que les autres ne remarqueront, éventuellement, qu'un drôle de bracelet géant. Mais comment faire la différence, comment reconnaître les initiés dans la foule anonyme ? Peur d'être reconnue, envie d'être reconnue en tant que soumise - que mon Maître soit fier de me voir arborer ces marques avec toute ma confiance dans son choix de me les faire porter au regard de tous. À ce trouble se rajoute celui créé par la robe même - des noeuds sont placés à des endroits stratégiques où les cordes parfois simplement s'appuient; essayez alors de marcher, de vous asseoir... La moinde vibration, le moindre mouvement devient acte charnel. Et là, seul mon Maître qui a placé les noeuds, peut comprendre mes rougeurs intempestives...

Complicité, liaison des âmes: dernier pan du triptyque bondage. Seul mon Maître connaît les noeuds qui me font frémir, mon Maître est le seul en qui j'ai suffisamment confiance pour lui offrir mon corps à transformer en tableau de noeuds. La corde qui m'enlace, c'est son désir, au sens de plaisir et volonté, c'est sa force, c'est son amour, c'est lui. Je me livre à lui - et il m'entoure de son essence, me protège. Quelle liberté dans ces liens ! Quelle sensation de puissance ! Il ne peut plus rien m'arriver de désagréable, ma robe de chanvre signale mon appartenance: les initiés m'approcheront avec le respect dû à mon Maître; les ignorants verront une jeune femme marchant bien droite, le front haut, aux côtés d'un homme qu'elle admire. C'est parce que nous sommes complices au delà de l'intime que je peux me promener ainsi: mon Maître me connaît. Je n'ai besoin d'aucun courage - simplement de confiance en lui.
Par les cordes, c'est lui qui me frôle, c'est lui qui me touche, c'est lui qui me fait accéder au plaisir, en des lieux où la décence ne le permettrait pas. Véritable extension sensible de mon Maître...

Pour tout ceci, vous comprendrez mon attrait pour le bondage, ma joie infinie quand je vois les cordes sorties de leur rangement... Mon grand jeu consiste, en ce moment, à me défaire le plus promptement des liens que mon Maître pose - mais je sais bien, et lui aussi, que je n'y arrive que parce qu'il veut bien me laisser jouer ainsi - et que, le jour où il en aura assez de ces petites impertinences, je m'attacherai à rester, stoïque et fière de son plaisir, enlacée de ses soins.


Terrier BDSM, conduit numéro trois: la cire.

Extase parmi les extases, plaisir des plus voluptueux, surpassant pour moi de très loin absolument tout le reste: puisque cela fait maintenant quelques siècles que l'homme a découvert le feu, il est sans doute grand temps qu'il en fasse goûter les joies à sa compagne...
C'est fascinant, le feu. Ca réchauffe, ça éclaire, c'est vivant et vorace, ça détruit pour grandir et faire briller les yeux dans la nuit et dispenser ses bienfaits.

Prenez un cierge bien large, allumez le, laissez le de côté le temps de vous préparer un bon verre, une petite douceur. Puis observez sa flamme bien droite qui scintille dans votre nuit. Hypnose du feu, qui nous renvoie aux peurs primaires ancrées dans l'homme au fil de son évolution, à l'instinct, à ce qui fait notre race hominidé, à ce qui au fond de nous hurle à la lune les soirs de tempête, à notre animalité profonde-vous l'avez peut être déjà ressenti, ce sentiment bestial de satisfaction absolue, comme un épanouissement total de toutes vos pulsions; à la fin du coït, quand la jouissance, finissant d'exploser, laisse des vagues chaudes de bien être vous envahir et combler toutes vos failles, tous vos doutes...

La bougie se consume, une petite flaque de cire se forme à la cime du cierge. Evitant la flamme mordante, mon doigt plonge dans ce petit magma. C'est chaud. C'est doux. Ca m'englobe. A l'air, la cire se durcit, épousant parfaitement la pulpe et les contours de mon ongle. Ma peau tire un peu. Mon doigt est contenu, il a changé de couleur, et son contact se fait lointain... Il touche, au travers de la cire, et le monde qui l'entoure n'est plus reconnaissable.

La bougie se consume, une grande mare de cire se forme sur le plafond du cierge. Ecartelée et détendue, les yeux fermés par un bandeau, je n'ai rien vu de cette préparation géologique.
De petites épines, très fines, viennent titiller ma poitrine, aussitôt fondantes, formant de petites plaques chaudes. Gouttelettes brûlantes, dès qu'elles se posent sur moi, rafraîchies par l'air ambiant, elles se changent en un doux cataplasme apaisant.
Sur l'intérieur des cuisses et autour du nombril, je trouve le contact plus intense. Les gouttes sont cuisantes, ma peau plus fine absorbe moins vite la brûlure- mais quand les plaques se forment, le délice est bien plus vibrant. Vibrant? Mais oui, bien sûr...Chaque larme de cire tombe et choque ma peau qui frémis vers l'intérieur, ondulant en cercles concentriques, jusqu'à ce que la vague s'apaise et ne laisse s'étirer qu'une légère vibration à la surface de mon corps.
Imaginez alors ces gouttes frappant doucement votre intimité, oui, juste là, entre les grandes lèvres...Frémissements, vibrato, plaques tirant la peau juste suffisamment pour mieux la ressentir…
Viennent les longs sanglots, la lave en langue s'écoule petit fleuve aux sillons de mon corps. j'espère et je crains ce moment, car là, mon esprit n'a plus le temps de goûter chaque larme vibrante, il va lui falloir accepter, absorber d'un coup le napalm, qui me donne l'impression d'être creusée, labourée, déchiquetée. Plus question de vibration, c'est une onde de choc, un séisme bonheur. Tout mon être se fond dans cette incandescence qui semble prendre l'éternité pour s'apaiser enfin dans un carcan étrange, lourd, absorbant .je suis recouverte de cire, mais ma peau a fondu et je fais partie intégrante de mon bel emballage.
Décomposé .Recomposée . Protégée du monde, enfouie dans cette chaleur brutale, animale, je ne suis plus ni femme ni être pensant. Qui suis-je? Que suis-je? Un plaisir frémissant ondulant au gré du magma qui se déverse encore et encore et dont je fais déjà partie avant qu'il ne m'effleure. Impossible pour moi de rester impassible sous ces torrents, je tressaille ou sursaute à chaque contact ce qui accentue le côté aléatoire des écoulements un bien pour un mal, l'inverse est vrai aussi! La cire libère toutes mes tensions, m'apaise profondément et durablement...bonheur!

Autre lieu, autre jeu: prenez une baignoire bien remplie, une soumise ventousée aux quatre arrondis, détendue par l'eau qui la porte, la berce, la caresse...Prenez un Maître taquin, une bougie à la main, qui s'approche de sa soumise sans bruit, prenant garde à ne pas troubler encore la rêverie de laquelle elle ne perçoit pas la douce torture qui s'avance à pas de loup...
Moins de brûlure, plus de mordant:sous l'effet de l'eau la cire se contracte plus et plus vite, pinçant la peau en griffes lentes et voluptueuses...
Vous risquez une petite inondation, mais les sensations, beaucoup moins violentes, me paraissent idéales pour une initiation aux jeux des bougies.

Je tiens à rappeler ici quelques petits inconvénients: la cire adore se loger dans les tissus, tapis et fibres de bois, et ce de façon quasi définitive. Et puis, une fois votre soumise recouverte de sa nouvelle peau, il va falloir l'aider à muer et à perdre ses jolies écailles...L'épilation est garantie, quoiqu'une douche bien chaude permet d'ôter en douceur les derniers reliquats. Prétexte à de nouveaux jeux, cette douche? C'est à vous de voir...

Mon seul regret, avec la cire:impossible de saluer et remercier mon Maître dignement à la fin de la séance, sans répandre autour de moi les larmes figées du bonheur...


darkleen{LS}- 2003
http://mehere.free.fr/